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Le Son de la Liberté

Nous vivons à une époque où il est dangereux de s'étiqueter les uns les autres. Le collage d'étiquettes est la pire chose que nous puissions nous faire les uns aux autres car cela rompt toute voie de communication. J'espère donc que les gens iront voir le film et que nous mettrons un terme à cette manière de penser collective — à cette opinion collective. Nous devrions avoir notre propre opinion. Je me suis retrouvé dans de nombreuses situations où les gens avaient déjà une opinion sur le film sans même l'avoir vu. Elle est simplement basée sur l'opinion d'autres personnes. Et j'espère qu'ici, en France, les gens iront voir le film pour eux-mêmes et se forgeront leur propre opinion sur la base de ce qu'ils pensent.

Alejandro Monteverde

Sound of Freedom (le son de la liberté), du réalisateur mexicain Alejandro Monteverde, est sans doute le film le plus controversé du moment. D'un côté, il cartonne au box-office américain où il est passé numéro un en un jour avec 14,3 millions de dollars de vente de billets dans 2634 salles devant Indiana Jones 5 qui arrive deuxième avec 11,7 millions de dollars dans 4600 salles (soit le double), de l'autre, il se fait démonter par les médias occidentaux qui le qualifient de film « complotiste » affichant « des représentations erronées de la réalité du trafic d'êtres humains » (Wikipédia), quand ce n'est pas pour décréter tout bonnement que c'est un « navet » (BFMTV).

Les Malheurs du Sophisme

Tourné en 2018, principalement en Colombie avec quelques scènes au sud de la Californie, Sound of Freedom devait initialement être distribué par la 20th Century Fox qui, entre temps, s'est faite racheter par le groupe Disney qui a remisé le film au placard, son sujet « n’étant pas vraiment "raccord" avec la ligne éditoriale plutôt consensuelle du studio ». Racheté, quatre ans plus tard, par Angel Studios, une plateforme indépendante, il sort finalement aux États-Unis à l'occasion de la fête de l'Indépendance américaine, le 4 juillet dernier, et le 15 novembre chez nous en France (dans un nombre limité de salles) par le biais de Saje Distribution.

Notez qu'un des arguments qui alimentent la polémique chez les merdias repose sur les convictions chrétiennes des parties impliquées.

« Nous avons été sidérés de découvrir la polémique qui a entouré la sortie du film aux États-Unis en juillet dernier, tant l’écart avec le contenu du film était grand » déclare Saje Distribution dans un communiqué de presse suite à l'annonce de la sortie du film en France. « Pour l’essentiel, le film a vraisemblablement pâti des antagonismes politiques outre-Atlantique ».

Selon le Parisien, le film en lui-même n'aurait rien de complotiste mais son utilisation en tant que tel serait facile : « Les théories du complot sont toutes sous-entendues mais jamais clairement évoquées ». Pareil pour le Monde qui déclare que Sound of Freedom « n’est pas intrinsèquement un film conspirationniste » mais qu'il est « porté par un casting sensible à ce type de rhétorique ».

L'humainement correct

Ce qui est tout bonnement sidérant quand on regarde le film sans parti pris aucun. D'ailleurs quel parti doit-on prendre si celui de sauver les enfants n'est pas politiquement correct ?

C'est la question que se posent Karl Zéro et Alejandro Monteverde : « Ce sujet n'appartient à aucun parti politique. Ce sujet appartient à la race humaine et nous devons le transcender. »

« Je ne connais personne qui soit pour la maltraitance des enfants, déclare le réalisateur mexicain, du moins publiquement. Je pensais donc que ce serait quelque chose qui allait nous unir. Et c'est ce qui s'est passé avec le public. Il y a eu une division massive dans les médias et des attaques mais l'enjeu a toujours été de sensibiliser, car je crois que les enfants devraient être protégés par le monde entier. »

Adapté d'une histoire vraie

Sound of Freedom se présente comme un thriller basé sur l'incroyable histoire vraie de Tim Ballard, un ancien agent fédéral américain (brillamment interprété par Jim Caviezel) qui se lance dans une opération de sauvetage au péril de sa vie pour libérer des enfants prisonniers de trafiquants sexuels en Colombie.


À gauche: le vrai Tim Ballard.
À droite : Tim Ballard dans le film

Père de famille nombreuse, Tim Ballard ignorait tout de la traite des enfants avant d'être affecté par la CIA à la lutte contre ce trafic. C'est là qu'il s'est rendu compte que les moyens alloués contre ce fléau (bien plus conséquent qu'on l'imagine) étaient bien trop insuffisants. Il a donc décidé, en 2013, de quitter ses fonctions officielles pour créer sa propre ONG à but non lucratif appelée Operation Underground Railroad (opération chemin de fer souterrain) synthétisée en O.U.R. Rescue (notre sauvetage).

Il s'est entouré à la fois d'anciens Marines et de gens de cinéma pour filmer ses opérations et faire des documentaires coup de poing. Il en a sorti trois, non disponibles en français, à part Opération Toussaint traduit et doublé par l'équipe TopGun.

« De là est née l'idée de faire un film de fiction qui toucherait encore plus de monde pour frapper un grand coup » explique Karl Zéro.

Sound of Freedom est donc un mélange entre différentes opérations en Haïti et en Colombie.

À la fin du film, on nous explique que :


Le témoignage de Tim [Ballard] sur l'opération colombienne a conduit le Congrès des États-Unis à adopter une législation renforçant la coopération internationale dans les affaires de trafic d'enfants.

La traite des êtres humains est une activité qui rapporte 150 milliards de dollars par an. Les États-Unis figurent parmi l'une des principales destinations pour la traite des êtres humains et parmi les plus gros consommateurs de relations sexuelles avec des enfants.

Il y a plus d'êtres humains pris au piège de l'esclavage aujourd'hui qu'à n'importe quel autre moment de l'histoire y compris lorsque l'esclavage était légal.

Des millions de ces esclaves sont des enfants.

Un film poignant et bouleversant

Pour avoir vu Sound of Freedom en version originale, je l'ai trouvé magnifique, poignant, bouleversant et qui oblige forcément à remettre beaucoup de choses en perspective. C'est un film pudique qui ne cherche pas à choquer par des images insoutenables et de la violence gratuite comme c'est malheureusement le cas avec la grande majorité des productions hollywoodiennes (et de télévision) de nos jours.

Le suspens est bien présent. Les images sont belles, les acteurs excellents y compris les enfants. Rien n'est montré, tout est suggéré et c'est ce qui rend le film finalement efficace.

Un film à plusieurs facettes qui donne matière à réfléchir. C'est sans doute ça qui dérange le plus. Car au-delà du message principal qui vise à sensibiliser le public sur la traite d'enfants, il y a aussi une notion de rédemption véhiculée par le personnage de Vampiro, également connu sous le nom de Batman (basé sur un personnage réel mais avec quelques modifications pour les besoins du scénario), ancien blanchisseur d'argent pour un célèbre cartel de drogue qui, après un retour de conscience, décide d'utiliser son argent mal acquis pour sauver des enfants.

Comme quoi il est toujours possible de changer de voie et sortir de l'engrenage du mal. Bien sûr, il faudra payer comme disait Omraam Mikhaël Aïvanhov, mais l'issue existe. On comprend pourquoi ça dérange.

Quand vous aurez appris à bien agir, lorsque toutes vos actions et paroles seront inspirées par la bonté, la pureté et le désintéressement, elles n'entraîneront aucun « karma » mais des conséquences bénéfiques. C'est ce qu'on appelle le dharma.

Omraam Mikhaël Aïvanhov

© La Pensine Mutine. Tous droits réservés. Reproduction interdite.

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L'avenir est à nos portes : quelques films contre-utopiques adaptés à un monde dystopique

Aujourd'hui l'Internet nous surveille. S'ils en ont envie, ils peuvent voir quels sites vous visitez. À l'avenir, la télévision nous surveillera et s'adaptera à ce qu'elle saura de nous. Le côté excitant est que cela nous donnera l'impression de faire partie du média. Le côté effrayant est que nous perdrons notre droit à la vie privée. Une pub jaillira de nulle part pour s'adresser directement à nous.

Steven Spielberg, réalisateur de Minority Report

Nous avons atterri, bien avant l'heure, dans un avenir dystopien imaginé par des auteurs de science-fiction comme George Orwell, Aldous Huxley, Margaret Atwood et Philip K. Dick.

À l'instar du Big Brother d'Orwell dans 1984, le gouvernement et ses espions corporatifs surveillent désormais le moindre de nos mouvements.

Tout comme dans Le Meilleur des mondes d'Huxley, nous sommes en train de produire une société de vigiles à qui « on a retiré leurs libertés mais... qui aiment ça parce qu'on les distrait de toute envie de se rebeller par la propagande ou le lavage de cerveau ».

Et comme dans La Servante écarlate d'Atwood où l'on apprend à la populace à « savoir où sont leur place et leurs devoirs, à comprendre qu'ils n'ont aucun droit véritable mais seront protégés jusqu'à un certain point s'ils se conforment, et à avoir une si piètre opinion d'eux-mêmes qu'ils accepteront le destin qui leur est assigné sans se rebeller ni s'enfuir ».

Et conformément à la vision sombre et prophétique de Philip K. Dick (Rapport minoritaire) d'un état policier dystopien – sur lequel s'appuie le thriller futuriste de Steven Spielberg, Minority Report, sorti il y a 20 ans – nous sommes désormais prisonniers d'un monde dans lequel le gouvernement voit tout, sait tout et est tout-puissant et où si vous sortez des rangs, des forces spéciales de police et des unités de pré-crime toutes vêtues de noir vont fracasser quelques crânes pour reprendre le contrôle de la population.

Certes Minority Report se passe en l'an 2054 mais cela pourrait tout aussi bien être en 2022.

S'inspirant visiblement de la science-fiction, la technologie a progressé si rapidement en si peu de temps depuis la sortie en salle de Minority Report en 2002 que ce qui paraissait alors futuriste n'appartient désormais plus au domaine de l'anticipation.

Chose incroyable, à mesure qu'on incorpore les nouvelles technologies employées et partagées de concert par le gouvernement et les grandes entreprises (reconnaissance faciale, scanners d'iris, banques de données gigantesques, logiciels de prévision de comportement, etc.) dans le réseau cybernétique destiné à suivre le moindre de nos mouvement, prédire nos pensées et contrôler notre comportement, la vision de l'avenir perturbante de Spielberg devient rapidement réalité.

Les deux mondes (notre réalité d'aujourd'hui et la vision de l'avenir sur pellicule de Spielberg) se caractérisent par une surveillance généralisée, des technologies de prévision du comportement, l'exploitation des données, les centres de fusionnement, les véhicules sans chauffeur, les maisons à contrôle vocal, les systèmes de reconnaissance faciale, les cybugs et les drones, et  la prévision policière (pré-crime) visant à capturer les criminels potentiels avant qu'ils ne puissent passer à l'acte.

Il y a des caméras de surveillance partout. Des agents du gouvernement écoutent nos communications téléphoniques et lisent nos courriels. Le politiquement correct – une philosophie qui n'encourage pas la diversité – est devenu le principe directeur de la société moderne.

Les tribunaux ont détruit les protections du Quatrième Amendement contre les perquisitions et saisies injustifiées. En fait, les forces d'intervention (SWAT) défonçant les portes sans mandat et les agents du FBI agissant comme une police secrète pour enquêter sur les citoyens dissidents sont monnaie courante dans l'Amérique d'aujourd'hui.

Nous sommes de plus en plus gouvernés par des multinationales associées à l'état policier. Une bonne partie de la population est accro aux drogues qu'il s'agisse de substances illicites ou de celles prescrites par les médecins. Et l'intimité et l'intégrité physiques ont été complètement éviscérées par l'idée générale que, face aux représentants du gouvernement habilités à fouiller, saisir, déshabiller, scanner, espionner, sonder, palper, taser, et arrêter n'importe qui n'importe quand et à la moindre provocation, les Américains n'ont aucun droit sur ce qui touche à leur corps.

Tout ceci est advenu sans à peine un rechignement de la part d'une population américaine largement constituée de gens qui ne lisent pas et de zombies de la télé et d'Internet, pourtant pendant des années, on nous a mis en garde contre la menace d'un tel avenir via des œuvres littéraires et cinématographiques.

Les 15 films ci-dessous constituent sans doute la meilleure représentation de ce à quoi nous sommes confrontés en tant que société.

Fahrenheit 451 (1966)

Adapté du roman de Ray Bradbury et mis en scène par François Truffaut, ce film dépeint une société futuriste dans laquelle les livres sont interdits et où paradoxalement, c'est aux pompiers qu'il incombe de brûler les livres de contrebande — 451°F étant la température à laquelle ils brûlent. Montag est un pompier qui développe une conscience et commence à se poser des questions sur ce qu'il fait. Ce film est une habile métaphore de notre société obsédée par le politiquement correct où pratiquement tout le monde pré-censure son expression. Ici, un peuple qui a été soumis au lavage de cerveau et accro à la télévision et aux drogues/médicaments ne fait pas beaucoup d'efforts pour résister à l'oppression gouvernementale.

Extrait : https://www.youtube.com/watch?v=976u_C5XnCc

2001, l'Odyssée de l'espace (1968)

L'intrigue du chef d'œuvre de Stanley Kubrick, inspirée d'une nouvelle d'Arthur C. Clarke, porte sur un voyage dans l'espace vers Jupiter. Mais les astronautes se rendent vite compte que le vaisseau entièrement automatisé est dirigé par un système informatique — appelé HAL 9000 — devenu une entité dotée d'une pensée autonome qui y ira jusqu'au meurtre pour garder le contrôle. L'idée est qu'à un certain stade de l'évolution humaine, la technologie sous forme d'intelligence artificielle deviendra autonome et les êtres humains ne seront plus que de simples annexes technologiques. En fait, nous assistons actuellement à ce développement avec les énormes banques de données générées et contrôlées par le gouvernement aux mains d'agences aussi opaques que la NSA qui balayent tous les sites Internet et autres équipements informatiques pour recueillir des informations sur les citoyens lambda. Nous sommes surveillés du berceau à la tombe.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=5px2VwyCeWE

La Planète des singes (1968)

Inspiré du roman de Pierre Boulle, des astronautes s'écrasent sur une planète sur laquelle les singes règnent en maîtres et où les humains sont traités comme des brutes et des esclaves. En fuyant des gorilles à cheval, Taylor, un des astronautes est abattu d'une balle dans la gorge, capturé et mis en cage. De là, il entreprend un périple dans lequel la vérité révélée est que cette planète fut autrefois contrôlée par des humains technologiquement avancés qui détruisirent la civilisation. Et surprise, sa visite de la Zone interdite lui apprend qu'en fait il était sur Terre tout ce temps. Pris dans un accès de rage à ce qu'il découvre dans la scène finale, il hurle : « On a fini par y arriver. Espèces de tarés ! Vous avez tout détruit ! Soyez maudits. » La leçon est claire mais l'entendrons-nous ? Le scénario, bien que remanié, avait d'abord été écrit par Rod Serling et a conservé sa fin très Quatrième Dimension.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=EPoPewWdM24

THX 1138 (1970)

Marquant les débuts de George Lucas à la mise en scène, ce film est une vision sombre d'une société déshumanisée sous le contrôle absolu d'un état policier. On oblige les gens à prendre des médicaments de force pour les rendre dociles et ils n'ont plus de nom, juste une combinaison de lettres et de chiffres comme THX 1138. Tout citoyen sortant des rangs est rapidement remis en conformité par une police robotisée équipée d' « aiguillons à douleur » ou matraque à électrochocs. Ça vous fait penser aux tasers ?

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=mscgLWHzbBQ

Orange mécanique (1971)

Le réalisateur Stanley Kubrick présente un futur aux mains des gangs de voyous sadiques et d'un gouvernement chaotique qui s'en prend sporadiquement à ses citoyens. Alex est un délinquant violent qui se retrouve dans les rouages de la machine à broyer de l'injustice. Ce film pourrait refléter fidèlement l'avenir de la société occidentale qui va droit dans le mur à mesure que les réserves pétrolières s'amenuisent, que les crises environnementales s'accentuent, où le chaos règne et où la dernière chose qui reste est la force brutale.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=GdRmiitxQps

Soleil vert (1973)

Se déroule dans un New York futuriste surpeuplé où les gens dépendent d'aliments de synthèse fabriqués par la société Soylent. Un policier enquêtant sur un meurtre découvre la vérité macabre sur ce dont est réellement composé le Soleil vert. Le thème est chaos où le monde est dirigé par des entreprises impitoyables dont l'unique objectif est la cupidité et le profit. Cela vous rappelle quelque chose ?

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=0LcT6D2kqJM

Blade Runner (1982)

Dans un Los Angeles du 21e siècle, un flic fatigué du monde traque une poignée de « répliquants » (esclaves humains de synthèse) renégats. La vie est alors dominée par des conglomérats et les gens déambulent tels des somnambules dans les rues ruisselantes de pluie. C'est un monde où la vie humaine a peu de valeur et où n'importe qui peut être exterminé à volonté par la police (ou les « blade runners »). Inspiré d'un roman de Philip K. Dick, ce superbe film de Ridley Scott s'interroge sur la signification de l'humanité dans un monde inhumain.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=FfRPKYwsFNg

1984 (1984)

Meilleure adaptation de la fable sombre d'Orwell, ce film visualise la perte totale de liberté dans un monde sous l'emprise de la technologie et ses abus, l'inhumanité dévastatrice d'un état omniscient. Le gouvernement domine les masses en contrôlant leurs pensées, modifiant l'histoire et changeant le sens des mots. Winston Smith est un sceptique qui se tourne vers l'auto-expression à travers son journal et commence à remettre en question les moyens et méthodes de Big Brother avant d'être rééduqué de la manière la plus brutale qu'il soit.

Extrait : https://www.youtube.com/watch?v=FQFpGKszpo4

Brazil (1985)

Partageant la même vision de l'avenir proche que 1984 et le Procès de Franz Kafka, il s'agit là sans doute de la meilleure œuvre cinématographique de Terry Gilliam, remplie d'un mélange de fantastique et de réalité crue. Dans ce film, un employé malchanceux, dominé par sa mère, se réfugie dans son imagination pour échapper à la grisaille du quotidien. Sous son apparence infernale, prisonnière des tentacules chaotiques d'un état policier, ce film aspire à des temps plus libres et plus innocents.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=1d_nnPW1jRc

Invasion Los Angeles (1988)

Dans cette satire sociale bizarre de film d'action et de science-fiction, John Carpenter part du principe que l'avenir s'est déjà produit. John Nada, un sans-abri, tombe par hasard sur un mouvement de résistance et trouve une pair de lunettes de soleil qui lui permet de voir la réalité autour de lui. Ce qu'il découvre est un monde contrôlé par de sinistres créatures qui bombardent les citoyens de messages subliminaux tels que «Obéis » et « Conforme-toi ». Carpenter parvient à souligner un point politique important à propos de la sous-classe — c''est-à-dire tout le monde sauf la classe dirigeante. L'idée est que, prisonniers de nos appareils, nous sommes trop occupés à aspirer les divertissements superficiels diffusés dans nos cerveaux et nous attaquer les uns les autres pour créer un mouvement de résistance efficace.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=BchDi6Owjvg

Matrix (1999)

L'histoire tourne autour de Thomas A. Anderson,programmeur informatique et pirate à ses heures connu sous  le pseudo de « Néo » qui se lance dans une quête obstinée pour découvrir la signification de « la Matrice » – après que de mystérieuses références soient apparues sur son ordinateur. Sa recherche le mène à Morpheus qui lui révèle la vérité sur le fait que la réalité actuelle n'est pas ce qu'elle parait et qu'il vit en fait dans l'avenir, en 2199. L'humanité est en guerre contre la technologie qui s'est matérialisée en entités dotées d'intelligence et lui, Néo, vit en réalité dans la Matrice, un monde illusoire qui semble se dérouler au présent afin de rendre les humains dociles et les garder sous contrôle. Néo rejoint alors Morpheus et sa cohorte dans une rébellion contre les machines qui ont recours aux tactiques des forces d'intervention (SWAT) pour maintenir l'ordre.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=8xx91zoASLY

Minority Report (2002)

Inspiré d'une nouvelle de Philip K. Dick et mis en scène par Steven Spielberg, ce film offre une vision technologique truffée d'effets spéciaux d'un monde futuriste dans lequel le gouvernement voit tout, sait tout et est tout-puissant. Et si vous osez sortir des rangs, vous serez maîtrisé par des forces spéciales de police toutes vêtues de noir. L'histoire se déroule en 2054 où la PréCrime, une unité de police spécialisée appréhende les criminels avant qu'ils ne commettent leur crime. La Capitaine Anderton est à la tête de la division de pré-crime de la ville de Washington qui utilise des visions de l'avenir issues de « pré-cogs » (des mutants humains dotés de capacités de précognition) pour arrêter les meurtriers. Celui-ci fait bientôt l'objet d'une enquête lorsque les pré-cogs prédisent qu'il va commettre un meurtre. Mais le système peut être manipulé. Ce film soulève la question du danger de la technologie opérant de manière autonome – ce qui finira par arriver si cela n'est pas déjà le cas. Pour un marteau, le monde entier ressemble à un clou. De la même manière, pour l'ordinateur d'un état policier, nous sommes tous suspects. En fait, sous peu nous serons peut-être tous de ce simples extensions ou annexes de l'état policier – tous suspects dans un monde commandés par des machines.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=V0Ay_CB9quU

V pour Vendetta (2006)

Ce film brosse le tableau d'une société régie par un gouvernement totalitaire corrompu où tout est contrôlé par une police secrète abusive. Un justicier portant un masque et se faisant appeler V, prend la tête d'une rébellion contre l'état. Ce qu'il faut lire entre les lignes, ici, est que les régimes autoritaires se créent leurs propres ennemis par la répression (c.-à-d. les terroristes), entraînant agents du gouvernement et terroristes dans un cycle de violence récurrent. Et qui se retrouve coincé au milieu ? Les citoyens, bien sûr. Ce film est devenu culte pour divers groupes politiques clandestins tels que les Anonymous dont les membres portent le même masque de Guy Fawkes que V.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=hmbQgEHGpLg

Les Fils de l'Homme (2006)

Ce film dépeint un monde futuriste sans espoir depuis que l'humanité a perdu toute possibilité de procréer. La civilisation a sombré dans le chaos et est maintenue en place par un état et un gouvernement militaire qui essaie de conserver sa mainmise totalitaire sur sur la population. La plupart des gouvernements se sont effondrés, faisant de a Grande-Bretagne l'une des rares sociétés demeurées intactes. Ainsi des millions de réfugiés y cherchent asile pour s'y voir parqués et enfermés par la police. Le suicide est une option viable avec un kit pour mettre fin à ses jours baptisé Quietus dont la publicité est faite sur des affiches, à la télévision et dans les journaux. Mais l'espoir d'un jour nouveau renaît lorsqu'une femme tombe inexplicablement enceinte.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=ybWsQH_E1nk

Coups d'État (2006)

Dans cette sombre satire politique, des tyrans sont renversés par de nouveaux leaders qui s’avèrent tout aussi malveillants que leurs prédécesseurs. Maximilian II est le dirigeant fasciste dément d'une contrée agitée du nom d'Evercountry dont les deux seules préoccupations sont de tourmenter ses sous-fifres et diriger l'industrie cinématographique du pays. Les citoyens perçus comme remettant l'état en question sont envoyés dans des « camps de rééducation » dans lesquels le concept de la réalité de l'état leur est enfoncé dans le crâne. Joe, un gardien de prison, est touché au vif par Thorne, un détenu et auteur renommé et finit par prendre part à un coup d'état pour renverser Maximilian le sadique et le remplacer par Thorne. Mais bientôt Joe se retrouve dans la ligne de mire du nouveau gouvernement.

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=QuDU5ZsCk24

Tous ces films (et les écrivains qui les ont inspirés) ont compris ce que beaucoup d'Américains, absorbés par la zombification de leur partisanerie agitatrice de drapeaux, ont toujours énormément de mal à accepter : qu'un gouvernement organisé pour le bien du peuple, ça n'existe pas. Même les meilleures intentions parmi ces derniers les poussent toujours inévitablement à vouloir maintenir coûte que coûte leur pouvoir et leur contrôle en place.

Un jour ou l'autre, comme je l'ai souligné clairement dans mon livre intitulé Battlefield America: The War on the American People (littéralement le Champ de bataille américain : la guerre contre le peuple américain) et dans son pendant fictif, The Erik Blair Diaries (le Journal d'Erik Blair), même les masses somnambules (qui demeurent convaincues que toutes les mauvaises choses qui se produisent dans l'état policier – les fusillades, les passages à tabac, les raids, les fouilles corporelles sur le bas-côté – n'arrivent qu'aux autres) devront se réveiller.

Tôt ou tard, ce qui arrive aux autres commencera à leur arriver à eux.

Lorsque cette triste réalité s'imprimera dans leur cerveau, elle leur fera l'effet d'un escadron de force d'intervention défonçant leur porte, d'un taser ciblant leur estomac, et d'une arme à feu pointé sur leur tempe. Il n'y aura pas moyen de changer de chaîne, d'altérer la réalité ou de se dissimuler derrière une mascarade orchestrée.

Comme George Orwell nous avait averti George Orwell, « si vous désirez une image de l'avenir, imaginez une botte, piétinant un visage humain. Éternellement. »

Texte original de JOHN WHITEHEAD traduit de l'anglais par EY@EL
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La Belle Verte

Une planète bleue luxuriante
Et des fleuves tumultueux
Qui seront déviés vers le sud,
Il n'en restera plus ni pour vous ni pour moi,
Ne renoncez pas.

"Explorers", Muse (2012)

Attention coup de cœur ! J'ai récemment eu le bonheur de découvrir, sur Internet, une comédie française bien sympathique que je vais essayer de vous présenter à mon tour sans trop vous révéler l'intrigue afin de ne pas gâcher votre plaisir.

Très mal reçu et fort critiqué à sa sortie en 1996 (soit onze ans après le succès international de Trois hommes et un couffin) — car certainement trop en avance sur son temps — La Belle Verte de Coline Serreau aurait dû sombrer dans l'oubli. Mais c'était sans compter sur la magie d'Internet et l'éveil des consciences qui ont su lui redonner un second souffle et en faire un film culte, sous-titré en de nombreuses langues et vu près de 3,5 millions de fois. Sans doute parce que ce film est probablement le seul film français actuel à parler de la nature, de l'environnement et de l'importance de la végétation dans notre quotidien.

J’ai eu envie de tourner un film fou, sur l’utopie, qui questionnerait notre système à sa racine. Après un travail théorique qui m’a occupée longtemps, après avoir rempli des cahiers de notes, de scènes, de réflexions, d’essais infructueux, après m’être posé tant de questions que je n’entendais même plus les réponses, la phase d’écriture est arrivée, guidée par le mouvement serein des arbres. Le scénario fini, les réactions ont été très contrastées. Le producteur, Alain Sarde, m’a fait part des réticences des divers partenaires qui devaient financer ce projet. « Voulez-vous vraiment tourner ce film ? », m’a-t-il demandé. Et j’ai dit oui, avec enthousiasme. Le film sort. Échec cuisant. Personne n’aime, personne ne va voir, les critiques me ridiculisent, le métier ne comprend rien à cet ovni. Mais un film n’est jamais mort. Au fil des années, La Belle Verte s’est mise à exister envers et contre tout, à grandir, à s’imposer, comme un être vivant, par le besoin que les gens avaient d’elle et de ce qu’elle criait au monde. Des sites sont apparus sur Internet, des clubs Belle Verte, des groupes de gens qui se réunissaient pour regarder le film ensemble et en parler. Étais-je en avance ? Sommes-nous au bord d’un tel gouffre qu’il nous faille mettre radicalement en question toutes nos valeurs comme le fait ce film, pour pouvoir inventer une nouvelle société ?

~ Coline Serreau

La Belle Verte est une planète lointaine semblable à la Terre, recouverte d'une végétation luxuriante et sur laquelle des êtres ressemblant en tous points aux humains vivent dans la paix et la béatitude. Exit les usines, le travail, la compétition, les hiérarchies, le stress et autres luttes de pouvoir. Place à l'harmonie, au calme, aux concerts de silence dans un monde plus simple et débarrassé des valeurs factices et asservissantes de nos vies modernes. Mila (Coline Serreau) est la seule à se porter volontaire pour aller voir où en sont les Terriens depuis la Révolution française. Elle débarque (littéralement) de sa bulle en bordure de périphérique dans un Paris pollué, irrespirable et jonché de crottes de chien, où les gens se croisent sans se voir et n'interagissent que pour s'insulter les uns les autres. Le ressort comique du film repose principalement sur la faculté de Mila à « déconnecter » les Terriens, non pas pour les sortir de la réalité mais pour les débrancher de la Matrice qui les vampirise, les nourrit et les empoisonne tout à la fois. En les libérant de cette illusion, elle leur permet d'exprimer leur vraie nature et leurs besoins véritables, ce qui donne lieu à des situations très cocasses comme transformer un match de foot en ballet classique ou faire dire la vérité à des politiciens en direct. À l'image de la scène censurée ci-dessous.

Ce qui est remis en cause c'est en fait toute la structure de la société post-moderne :

  1. La notion de hiérarchie sociale, avec son cortège de supériorité (les chefs), de domination, de compétition sociale.
  2. La valeur prétendue de la technologie comme mesure de l’évolution : « Nous aussi on a eu l’ère industrielle, mais après il y a eu le chaos pré-renaissance du rejet des produits industriels contre tout ce qui pouvait empoisonner la nature et la vie humaine ». D’où le retour à la nature comme achèvement logique de l’évolution.
  3. Le mensonge social et l’absence d’amour comme lien véritable : « Si vous ne mettez pas de rouge à lèvres, on ne vous aime pas ? », « Mais pourquoi restes-tu avec un type comme moi ? Mais pour ton compte en banque mon chéri, c’est tout », « Attention, quand ils sont déconnectés, ils se mettent à parler vrai ! ».
  4. L’argent : « T’as pas de monnaie, t’as rien », « Ils ont encore de la monnaie ? ». Un monde dans lequel les relations seraient fraternelles, ce serait un monde où le don, le prêt, l’échange se feraient sans intermédiaire, comme dans le cadre d’une famille où l’on se prête des choses sans utiliser l’argent.
  5. La télévision comme poison mental : « J’en ai marre de cette télé qui te bouffe la tête, à partir d’aujourd’hui dans cette maison, on se parle ». (Source)

Voilà, je ne vous en dirai pas plus. Si vous souhaitez voir le film, vous pouvez acheter le DVD ou le trouver sur Internet (souvent sous-titré en d'autres langues), le lien sur Vimeo que je vous avais mis avant publication ayant été retiré depuis.

© La Pensine Mutine. Tous droits réservés. Reproduction interdite.

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Le pire cauchemar des Élites

On laisse une seule de ces fourmis se rebeller et, un jour, elles se rebellent en masse. Ces fourmis de rien du tout sont cent fois plus nombreuses que nous. Laissez-les prendre conscience de cela et notre paradis devient l'enfer.

Notes et références

  • À ceci qu'il faudrait ajouter encore des zéros à ce nombre pour avoir les proportions correctes en ce qui nous concerne.

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Les enjeux de la fin

Cornélien le choix du thème de cette 15e session du projet Eklabugs pour lequel il a fallu faire fi de la démocratie qui n'arrivait pas à se décider pour trancher arbitrairement entre deux sujets exæquos. Halloween puant le réchauffé, c'est donc, en toute logique scientifique, la science-fiction qui l'a emporté. Normal, on n'a jamais vu une citrouille faire le poids contre une soucoupe volante !

Aux frontières du réel

Vaste sujet, me direz-vous, aux délimitations assez floues (en ce qu'il emprunte souvent au fantastique et à la mythologie), la science-fiction est, comme son nom l'indique, un genre littéraire et cinématographique mettant en scène l'évolution probable de situations ou événements basés sur des hypothèses exploitant ou extrapolant des données réelles à partir des avancées technologiques et scientifiques actuelles. Et que l'on pourrait comparer à un exercice de simulation projetant les conséquences de nos choix passés (uchronie) ou à venir (anticipation) en terrain connu (la Terre) ou inconnu (l'Espace).

Un genre intelligent et relativement récent, popularisé au XIXe siècle par des auteurs comme Jules Verne, que l'on qualifie aujourd'hui de visionnaires parce que leur imagination a su, au propre comme au figuré, dépasser la réalité de leur époque. Au point même que d'aucuns, aujourd'hui, ne voient dans ces œuvres que des travaux d'initiés voire des messages codés : George Orwell, H.G. Wells, Jules Verne... tous seraient des Illuminati — pour une Élite censée être minoritaire, je trouve qu'il y a un peu foule ! Personnellement, je n'ai pas d'avis tranché sur la question. Je ne réfute rien mais je n'adhère à rien non plus. Ce qui ne fait pas pour autant de moi quelqu'un de neutre ou qui s'en fout. Je me dis simplement que si demain je pondais une œuvre visionnaire (on est toujours dans les limites du cadre du sujet, non ?), on pourrait sans doute me prêter les mêmes allégeances.

Selon moi, n'en déplaise à l'ego, l'imagination s'apparenterait plutôt à une forme de « channeling » (canalisation) inconscient et l'espace temps linéaire, tel que nos consciences ont été formatées à le concevoir, n'existant pas dans la réalité universelle, je pense qu'il s'agit là encore d'une des nombreuses illusions et failles de la Matrice sociale dans laquelle nous évoluons comme l'a parfaitement illustré la série de films éponymes, Matrix. Et, moindrement Dôme, le roman de Stephen King (et non la série télé qui n'a plus rien à voir) dans lequel une petite communauté se retrouve soudain mise sous cloche par une gigantesque coupole de verre indestructible qui les isole totalement du reste du monde.

Ceci dit, tenter de définir la science-fiction dans le cadre limité d'un simple article me semble à la fois bien présomptueux et frustrant. Alors plutôt que de m'appesantir inutilement sur des abstractions superficielles et vous inonder de références, je préfère me focaliser sur un seul exemple récent, bien concret et Ô combien (malheureusement) d'actualité.

Les Jeux de la Faim

À moins d'avoir vécu ces dernières années aux fins fonds de la jungle ou dans une grotte, vous avez forcément entendu parler de Hunger Games. Même si vous n'avez ni lu les livres ou vu les films, ce nom vous dit forcément quelque chose. Mais contrairement à bien d'autres adaptations cinématographiques de succès littéraires régulièrement détournés et ciblant principalement un public jeune à l'esprit plus malléable, Hunger Games (les jeux de la faim) se situe bien au-delà de la simple vogue éphémère ou du phénomène de récupération médiatique à vocation commerciale et trouve assez naturellement sa place légitime auprès de dystopies classiques pour adultes telles que 1984 d'Orwell ou le Meilleur des Mondes d'Huxley auxquelles on ne peut s'empêcher de se référer constamment (et pour cause).

Son auteur, Suzanne Collins, explique que l'idée lui est venue au cours d'un zapping télévisuel où, dans son esprit, les images d'émissions de télé-réalité se sont mélangées à celles de reportages d'actualité sur la guerre en Irak. Sa trilogie met ainsi en scène une société post-apocalyptique totalitaire dans laquelle, chaque année, une « moisson » sous forme de tirage au sort est organisée dans chacun des douze districts constitutifs qui fournissent le pouvoir central en nourriture et matières premières. L'occasion pour le Capitole, à la fois, de distraire son élite décadente, maintenue dans l'ignorance des réalités qui l'entoure, et d'écarter toute menace de rébellion par l'oppression et la terreur en obligeant chaque district à lui offrir deux de ses enfants en tribut pour aller s'entretuer, sous l’œil de caméras de télévision, dans une arène en décors naturels reconstitués surmontée d'un dôme vibratoire (champ de force) jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un seul et unique survivant.

Dans la lignée directe de Marche ou crève et Running Man de Stephen King, ce Koh-Lanta cauchemardesque (que chacun est tenu de regarder sous peine d'exécution) est une référence plus qu'évidente aux combats de gladiateurs et à la Rome antique à laquelle font également écho les noms des personnages de pouvoir (le président Coriolanus, le présentateur César, le producteur Claudius ainsi que les Hauts-Juges Seneca et Plutarch) tout comme celui de la nation elle-même, Panem emprunté au poète satirique latin Juvénal :

C’est une expression qui avait cours voilà des milliers d’années, rédigée en latin dans l’ancienne ville de Rome, m’explique-t-il. Elle se traduit par « Du pain et des jeux ».

L’auteur dénonçait le fait qu’en échange d’un ventre plein et de spectacles, ses concitoyens avaient renoncé à leurs responsabilités politiques, et donc à leur pouvoir.

Les héros eux-mêmes rappellent d'ailleurs certaines divinités de la mythologie gréco-romaine comme Katniss/Artemis (Diane) et son arc, Finnick/Poséidon (Neptune) et son trident ou encore Beetee/Zeus (Jupiter) et ses câbles électriques.

« Puisse le sort vous être favorable »

Tel est le leitmotiv de ces Jeux de la faim. Ben tiens, l'espoir fait vivre ! C'est cependant une arme à double tranchant comme l'explique le président Snow à son Haut-Juge :

Pourquoi avons-nous besoin d'un gagnant ? Si nous voulions juste intimider les districts, nous pourrions aligner les tributs en rang d'oignon et les exécuter tout de suite, ce serait plus rapide. L’espoir ! Car c'est la seule chose plus forte que la peur. Et si un peu d'espoir est bénéfique, trop d'espoir est dangereux. Une lueur, c'est parfait. Tant qu'elle est contrôlée. Alors contrôlez-la !

Le vainqueur, quand il ne sombre pas dans la folie, l'alcoolisme ou la drogue, se voit octroyer, pour lui et sa famille, une vie privilégiée à l'abri du besoin et de l'esclavage. Du moins en apparence comme le révèle finalement au grand jour le beau gosse de service :

Le président Snow me vendait… c’est-à-dire, mon corps, commence Finnick d’une voix détachée. Et je n’étais pas le seul. Dès qu’un vainqueur est considéré comme désirable, le président l’offre en récompense à ceux qui le servent, ou le loue à des tarifs exorbitants. Si on refuse, il fait tuer l’un de nos proches. Alors, on obéit.

Ou quand, bien sûr, les règles du jeu ne sont pas changées en cours de route :

Au soixante-quinzième anniversaire, afin de rappeler aux rebelles que même les plus forts d’entre eux ne sauraient l’emporter sur le Capitole, les tributs mâles et femelles de chaque district seront moissonnés parmi les vainqueurs survivants.

Les deux faces d'une même pièce

Il y aurait tellement à dire sur cette série pour ados et la foule de thèmes cruciaux et autres problématiques urgentes de notre société qui y sont abordés, tant sur le plan politique (secrets d'état, intimidation, répression, propagande médiatique, surveillance, espionnage, contrôle mental, torture, manipulation génétique, transhumanisme), social (critique d'un modèle économique inégalitaire engendrant le déterminisme et l'exploitation), environnemental (l'évocation de la menace nucléaire) que moral et culturel (société rongée par son appétit immodéré du spectacle au point de devenir progressivement anesthésiée à toute tragédie et souffrance humaine) — mais qui nous abreuve aussi, par la même occasion, de stéréotypes à la sauce hollywoodienne.

Souvent la fiction y rejoint la réalité avec une justesse effarante qui fait littéralement froid dans le dos. Comme ce coup d'état militaire à la fin de l'histoire où l'état major des rebelles a secrètement recours à un attentat faux drapeau contre son propre camp dans le but de rallier les derniers partisans de l'ancien régime. Ou encore, lorsque Alma Coin (littéralement « pièce » en anglais), la nouvelle dirigeante auto-proclamée, s'empresse de rempiler avec les bonnes vieilles méthodes de son prédécesseur qu'elle vient à peine de détrôner :

Je vous ai demandé de venir pour résoudre un dilemme. Aujourd’hui, nous allons procéder à l’exécution de Snow. Ces dernières semaines, plusieurs centaines de ses complices dans l’oppression de Panem ont été jugés et condamnés à mort. Toutefois, la souffrance des districts a été si extrême que ces sentences paraissent bien insuffisantes aux yeux des victimes. En fait, beaucoup réclament l’annihilation totale de tous les anciens citoyens du Capitole. Mais c’est une mesure que nous ne pouvons pas nous permettre si nous voulons conserver une population viable. [...] Quelqu’un a donc mis une alternative sur la table. Mes collègues et moi n’étant pas parvenus à un consensus, il a été convenu que la décision reviendrait aux vainqueurs. Il faudra une majorité de quatre pour approuver le plan. Personne ne pourra s’abstenir de voter, déclare Coin. L’idée, c’est qu’au lieu d’éliminer toute la population du Capitole, nous tenions une dernière édition symbolique des Hunger Games, avec les enfants des personnes qui détenaient le plus de pouvoir.

Comme le scandaient les Who dans "Won't Get Fooled Again" en 1971, « On change de chef mais c'est juste du pareil au même » !

Certes, la morale est sauve puisque l'héroïne, comme on était en droit de s'y attendre, rectifie le tir au propre comme au figuré, mais on reste sur sa faim malgré tout.

— Nous constituerons une république, dans laquelle les habitants de chaque district et du Capitole éliront leurs propres représentants pour parler en leur nom dans un gouvernement centralisé. Ne prenez pas cet air méfiant ; ça a déjà fonctionné par le passé.
— Oui, dans les livres, grommelle Haymitch.
— Dans les livres d’histoire, précise Plutarch. Et si nos ancêtres ont pu le faire, il n’y a pas de raison que nous en soyons incapables.
Franchement, j’ai du mal à considérer nos ancêtres comme une référence. Ils nous ont mis dans de beaux draps, avec leurs guerres et la ruine de la planète. De toute évidence, ils se moquaient bien de ce qui arriverait à leurs descendants. Néanmoins, cette idée de république me paraît préférable à notre gouvernement actuel.

Et après ? Qui va prendre la relève ? Comme si les mentalités allaient changer d'un seul coup de baguette magique (d’arbalète en l'occurrence). Et pour combien de temps ?

Aucune solution nouvelle ne nous est proposée. Sans doute là, la principale limitation d'un genre visionnaire pessimiste qui n'est finalement capable d'imaginer que le pire.

En guise de conclusion, j'aimerais terminer par cette phrase-clé de l'héroïne qui résume assez bien notre situation à tous quelle que soit la place privilégiée ou non que nous occupions dans cette société : « Le feu se propage ! Et si nous brûlons, vous brûlerez, avec nous ! »

Projet EklaBugs #15

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Brouillon de culture

Et hop, je rempile pour une nouvelle session du projet inter-blogs Eklabugs qui a pour thème, ce mois-ci, les livres et les films. Comme d'hab, vous trouverez la liste de tous les participants en fin de billet.

De charades en syllabes

J'avoue avoir d'abord craint que le sujet retenu ne soit les soldes (pure provocation de la part des organisatrices, un brin sadiques, à qui j'avais pourtant bien spécifié « tout ce que vous voudrez mais, par pitié, pas les soldes »), auquel cas, bibi, un poil masochiste, n'aurait pas baissé les bras pour autant en envisageant éventuellement de publier une traduction des paroles d'une chanson de Muse parfaitement adaptée au contexte (et toc) :

Je le veux maintenant ! Je le veux maintenant !
Donne-moi ton cœur et ton âme.
Je pète les plombs ! Je pète les plombs !
Ma dernière occase de perdre le contrôle.

"Hysteria", Muse (2003)

La traversée des océans du vide

Me voilà néanmoins bien embarrassée avec ce thème un peu fourre-tout sur lequel il y aurait tant à dire (et à redire) mais pas dans le cadre restreint d'un simple article. Je n'allais tout de même pas vous infliger la liste interminable de mes livres et films préférés. Ni vous pondre un roman sur ce que je pense de certaines adaptations cinématographiques. Si ?

Non ! C'eût été non seulement long et fastidieux mais surtout d'un ch***.

Alors quoi ? Mais oui, bon sang, ça coule de source : qui dit sujet bateau dit réponse vague (attention j'ai dit « vague» et non « divague »). C'est sûr, je vais sans doute ramer un peu au début mais dès que j'aurais pris le vent en poupe, je vais transformer cette page blanche (en l'occurrence noire) en grand-voile ou taille-vent et vogue la galère.

Rame, rame, rameurs, ramez,
On avance à rien dans ce canoë.
Là-haut, on te mène en bateau :
Tu ne pourras jamais tout quitter, t'en aller.

"Rame", Alain Souchon (1980)

J'entends déjà d'ici certaines mauvaises langues s'exclamer que je suis gonflée de traiter la culture avec autant de désinvolture. Un peu obligée rapport à mon poids plume. Et puis, je ne suis pas disposée à jeter l'encre avant que ma plume ne sèche.

L'odyssée de l'écrit vain

Passer tout son temps à lire donne forcément envie d'écrire. Et comme je disais en effet, si l'appétit vient en mangeant, j'imagine que l'inspiration doit certainement venir en écrivant. Logique.

Vous me pardonnerez donc si je parle un peu comme un livre, c'est le sujet qui veut cela — même si je ne l'aborde pas du point de vue du consommateur comme on serait en droit de s'y attendre (vous n'en avez pas marre de consommer et de vivre dans l'imaginaire des autres ?).

Une astrologue m'a d'ailleurs dit un jour que j'avais un thème d'écrivain. Moi, je crois plutôt que j'ai l'anathème des écrits vains (ceci dit, je ne hais point les écrivains).

Tout part toujours dans les flots
Au fond des nuits sereines
Ne vois-tu rien venir ?
Les naufragés et leurs peines
Qui jetaient l'encre ici
Et arrêtaient d'écrire.

"Aux sombres héros de l'amer", Noir Désir (1989)

Ah, misère ! L'angoisse de la page blanche — le bloc de l'écrivain comme disent les Anglo-saxons. De quoi s'en faire un serre-livre. Pourquoi avoir dévoré tant de bouquins (une vraie tête de lecture) et n'être toujours pas fichue d'en écrire un ni même un simple article sur la question ? Serais-je une constipée chronique de la plume ? Je ne l'ai pourtant pas dans le...

Syndrome de la muse capricieuse ?

À vous qui lisez en moi comme dans un livre ouvert : oui, ma muse est une diva et ça l'amuse beaucoup. Moi, ça me gonfle profondément mais ça ne m'aide pas à sortir un volume pour autant. Satanée muse, comme je te hais !

(Note à Bellamy et Cie. : je ne parlais point de vous car votre musique me fait un bien fou donc je vous aiiiiimeuuuu !!!).

Pourvu que je ne finisse pas comme Jack Nicholson dans Shining ou Kathy Bates dans Misery (qui, en passant, sont deux adaptations d'excellents romans du Grand Maitre Stephen King ; la première sans grand rapport avec l'original, la seconde tout à fait dans le ton et l'esprit).

Vingt mille livres sous l'amer

Il n'empêche que tandis que d'aucuns se font des films en vous racontant des histoires à dormir debout, moi, je vous livre tout de go mes états d'âmes sans faire de cinoche et en toute transparence — et en étirant un max comme la fameuse pellicule de cellophane qui sert à protéger les aliments ou à couvrir les livres. Pas question que je vous serve du rassis ni du moisi histoire de faire comme tout le monde. C'est pourquoi je préfère la qualité à la quantité. Pff !

Mais avouez que ce n'est guère parlant tout cela. Du pur arrêt-essai raté, mouais ! Un navet de série M comme muet (M le Maudit). Même pas à la hauteur d'un Chaplin, d'un Miélès ou d'un Eisenstein. Le Cuirassé du Potemkine version U-571.

Bienvenue dans mon sous-marin jaune. Touché-coulé. Plouf !

Toutefois, j'espère que vous ne m'en voudrez pas pour cette adaptation peu inspirée et que je resterai malgré tout dans vos petits papiers (ou vos bons livres comme on dit outre-Manche). Vous savez combien votre avis compte et ne dit-on pas que les bons comptes font les bons amis ? Je ne vous parle pas de signer mon livre de comptes, non, juste mon livre d'or — même si je n'aurais rien contre vingt mille livres (sterling).

Quelques mots perdus dans la nuit,
Quelques mots qui traînent à minuit,
Quelques mots qui cognent au cœur de la nuit.

"Au cœur de la nuit", Téléphone (1980)

Merci donc de continuer à me lire et à m'encourager de vos commentaires.

Projet EklaBugs #8 (Janvier 2016)

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Spectre

L'an dernier, on nous a demandé d'écrire le thème musical du nouveau Bond : Spectre. Hé oui, c'était bien vrai ! Ça n'a pas marché mais nous nous sommes appropriés ce morceau et nous l'aimons beaucoup. En cette fin d'année, nous avons pensé que vous aimeriez l'entendre.

Joyeux Noël et que la force soit avec vous !

Radiohead, 25 décembre 2015

Égaré, je suis un fantôme.
Dépossédé, possédé,
Brûlé, transpercé par l'impact de mon avidité,
Le Spectre de mon âme mortelle.

Ces rumeurs et ces soupçons,
La colère est un poison.
La seule vérité à mes yeux
Était lorsque tu posais les lèvres sur moi,
L'avenir dupé par son passé,
Le Spectre, comme ça l'amuse.

La peur nous ensorcelle,
Remettant toujours l'amour en question.
Brûlé, transpercé par l'impact de mon avidité,
Le spectre de mon âme mortelle.
La seule vérité à mes yeux,
Le Spectre est venu me chercher.

Texte original de THOM YORKE traduit de l'anglais par EY@EL
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