Perception Majuscule (1)

Comme promis, j'ai l'honneur, le plaisir et la fierté de vous présenter ci-dessus le projet sur lequel j'ai travaillé d'arrache-pied pendant plusieurs semaines.

Ce court documentaire est ma vision et le condensé d'un récent entretien avec Rudy, un jeune auteur français vivant au Québec, qui vient de publier son premier roman sur Amazon (disponible en version papier et Kindle).

Un thriller fantastique palpitant qui vous tiendra en haleine tout au long de ces 450 et quelques pages.

Vous trouverez ci-dessous une adaptation de la retranscription intégrale de cette passionnante conversation de plus d'une heure qui, pour des raisons de longueur, sera publiée en trois parties.

Ce documentaire est donc mon tout premier. Il est le fruit de très longues heures de recherche et de travail. Merci de votre indulgence et du temps que vous passerez à le regarder et peut-être aussi à lire ce qui suit.

Pour la petite histoire, il y a un mois, je ne savais même pas que j'allais interviewer Rudy ou même faire cette vidéo. Encore moins comment ni avec quoi. L'idée s'est simplement imposée d'elle même, en douceur, comme une inspiration du cœur et non une aspiration du mental.

Je l'ai suivie parce qu'elle me mettait tellement en joie qu'au fond de moi je savais que j'allais être guidée dans toutes les étapes. Et ce fut effectivement le cas jusque dans les moindres détails. J'ai juste fourni les efforts et la patience car il m'a fallu apprendre sur le tas.

À mon crédit, malgré les décennies et les moyens techniques radicalement différents, j'ai tout de même pu, sans vraiment y réfléchir, mettre à profit certains rudiments glanés sur les bancs d'une école d'audiovisuel que j'ai fini par quitter parce que jusqu'à récemment je n'avais jamais cru suffisamment fort en moi et en mes rêves pour les réaliser. Ce documentaire est donc, en quelque sorte, une revanche sur le passé, un défi personnel ou encore la matérialisation de quelque chose qui sommeillait en moi depuis trop longtemps. Est-ce que ça va continuer ? Je ne sais pas. j'irai où ma joie intérieure me portera et non plus là où les peurs des uns et limitations des autres me dicteront d'aller.

Un grand merci à Rudy pour son immense sollicitude, sa grande disponibilité, sa précieuse collaboration dans l'élaboration de ce projet et surtout pour le souffle d'inspiration créatrice qu'il a su réveiller en moi.

Premier roman

EYAEL : Est-ce que Perception Majuscule est ta première expérience littéraire ?

RUDY : C'est la première fois que je finis un projet littéraire !

EYAEL : Donc tu avais déjà commencé ?

RUDY : Ah, j'ai plein de débuts d'histoires ! Mais le plus achevé, avant celui là, c'était quand j'étais jeune. J'avais 21-22 ans et j'avais commencé un début d'histoire. Et puis, à un moment donné, un petit blocage, une petite faille, un petit caillou qui va bien dans l'engrenage et puis la motivation n'est plus là. Après, tu relis ton texte un an plus tard et ce n'est plus du tout ça que tu as envie d'écrire – tu n'es plus la même personne et tout ça.

En fait, j'ai commencé quand j'ai découvert que j'avais un goût pour l'écriture quand j'avais quatorze ans. Je suis tombé amoureux d'une fille, Hélène, qui était plus âgée que moi. Il ne s'est jamais rien passé ou quoi que ce soit mais on est restés proches pendant des années et des années – même encore maintenant, on s'envoie un mail de temps en temps. Et on s'est écrit des lettres pendant un certain temps – le genre de lettres à l'ancienne, avec un timbre, une enveloppe et tout ça. Et voilà le jeune Rudy adolescent amoureux...

En fait, j'ai découvert que ces lettres-là me permettaient d'exprimer quelque chose que je ne pouvais pas nécessairement exprimer avec mon téléphone, en parlant ou des choses comme ça. Et il y a le goût du mot juste qui a commencé à se développer en moi. D'ailleurs, Perception Majuscule, c'est un peu ça aussi. C'est le goût du mot juste.

J'ai un bon exemple pour pour illustrer ça : vers seize ans ou un petit peu plus tard, j'avais un prof d'anglais qui s'appellait Spenato – comme un des personnages secondaires du bouquin – qui nous faisait faire beaucoup de versions, c'est-à-dire qu'il fallait faire des traductions d'un texte en anglais vers le français. Mais ce n'était pas à faire à la va-vite. Il fallait que ce soit vraiment le mot juste.

Et à un moment donné, il nous avait fait traduire un texte de 1984. Je me souviens très bien que la phrase qu'il fallait qu'on traduise, c'était en anglais : « the locked loneliness in which anyone has to live » qui se traduit donc par « la solitude fermée dans laquelle nous devons tous vivre ». Ce terme-là, « solitude fermée », c'est la traduction immédiate et j'étais sûr qu'il y avait mieux que ça.

Je ne sais pas comment l'expliquer mais dans ma tête, au niveau de la langue, je sentais que ce n'était pas la traduction optimale. Donc j'avais le bouquin traduit en français, je trouve le passage : « solitude fermée ». On arrive avec le prof d'anglais qui était quand même très à cheval sur les traductions : « solitude fermée ». OK, je garde cette idée qu'il y a une meilleure traduction – LA meilleure traduction.

Cette idée m'est restée dans la tête pendant presque 25 ans, jusqu'à ce qu'il y a un an ou deux, j'étais en train de conduire. On était à Laval sur l'A40 et là paf ! Comme une balle dans ma tête, ça me traverse. J'ai trouvé ce qu'était cette traduction que je savais existait : « la claustration solitaire ». Moi, je savais que c'était ce truc pendant 25 ans – je n'ai pas pensé 25 ans en continu à ça bien entendu, mais je l'avais en background dans ma tête et donc cette idée-là est une espèce de soulagement. Bon, ça n'a pas changé ma vie du tout en fait. Mais 25 ans, je me suis traîné ça !

Et donc comment ça s'est passé ? Le goût du mot juste, un peu des lettres que j'ai écrites où jai pu développer – mais ça ne t'écrit pas une histoire en fait. Et ça m'embêtait. Parce qu'il manquait quelque chose pour écrire une histoire.

Et donc j'ai décidé, c'était en 2018 je crois, de m'inscrire à un cours d'écriture. J'ai tapé : « cours d'écriture pour adultes » et je suis tombé sur une dame qui s'appelle Myriam, qui nous a fait un cours. Elle est écrivaine elle-même et elle nous a donné des exercices – notamment des exercices sur les personnages. Et je me rends compte que c'était-là ce qui me manquait. Plutôt que d'essayer d'écrire une histoire, invente des personnages et fais-les vivre, fais-les avancer dans ton histoire.

J'avais lu, un jour, une interview de Stephen King qui est un de mes auteurs de référence, et il t'explique que lui en fait, il invente ses personnages puis après, il les fait vivre. Il fait vivre ses personnages, il ne sait pas qu'est ce qui va leur arriver jusqu'à ce qu'il soit en train d'écrire.

Alors dans une trame qui était quand même un petit peu préexistante, j'avais quelques vagues idées. Et en fait, quand j'ai commencé à écrire mon histoire, j'avais un passage. C'est celui où Yvan, le héros principal du livre, à un moment donné, discute avec son frère, qui se trouve être un pratiquant de la religion juive, et ils ont une espèce de discussion. C'est un peu une pause dans l'action du livre – une pause de réflexion, de discussion un peu philosophique.

Et ça l'inspiration, c'est 1984 où, à un moment donné, on donne au héros, Winston, un livre qui parle de politique. Et on a 50-80 pages où on va décrire le contenu de ce livre. Et donc là, on a une pause dans le récit, une pause dans l'action, une pause dans le narratif pour avoir une bulle d'explication politique qui était vraiment de très bonne qualité et on comprend tout un tas de choses en lisant ça. Et je voulais un petit peu faire la même chose. Il se trouve que ça, c'était l'idée que j'avais quand j'ai commencé le livre.

Et c'est marrant parce qu'en fait, dans le bouquin, ça arrive à la page 235. Et avant de pouvoir écrire la scène initiale que j'avais en tête dans le livre, il y a eu quand même 235 pages avant et donc pratiquement un an et demi à deux ans de travail en fait.

Un des premiers enseignements que j'ai chopés dans cet exercice d'écriture dans sa durée de trois ans en fait, pratiquement, c'est qu'il faut faire preuve de beaucoup de patience. Tu as une idée : « Tiens, je vais écrire ça ! «  Si tu commences à écrire ce que tu as envie d'écrire comme je faisais avant, moi personnellement ça n'a pas fonctionné.

Processus littéraire

EYAEL : Tu as créé un plan ou bien tu t'es contenté de suivre le fil de ton inspiration ?

RUDY : J'ai essayé de créer un plan... heu, ça n'a pas vraiment marché. J'ai lu des livres sur la théorie de comment écrire, faire des schémas et tout ça. J'ai pris des éléments en me disant : « Tiens, ça c'est intéressant » et je les ai gardés pour moi.

Donc oui, il y a certains éléments de structure du rythme du récit, c'est-à-dire à un moment ça tombe, puis ça remonte jusqu'à arriver à un climax final ou quelque chose comme ça. D'autant, qu'en fait, tu l'as lu, le livre ne se termine pas. Les derniers mots sont : « Fin du premier tome ».

Donc non, je n'ai pas vraiment suivi de plan. J'avais cette scène, cette idée en tête que je voulais écrire.

J'avais mes personnages, les deux personnages principaux : Yvan, le protagoniste et Ginette, une vieille dame qu'il va rencontrer dans l'ascenseur complètement par hasard. Et à partir de cette rencontre ont découlé des choses plus étranges dans la vie d'Yvan et dans la vie de son proche entourage.

J'avais donc ces deux personnages et mon processus d'écriture était que j'écrivais une scène et après, une fois qu'elle était écrite... J'écrivais à peu près une fois par semaine. Le jeudi soir, où j'avais quelques heures pour écrire, j'allais à la bibliothèque avec mon ordinateur et hop, j'écrivais une dizaine ou une quinzaine de pages. Et donc pendant toute la semaine qui me séparait d'un jeudi à l'autre, ça tournait en background : » Qu'est-ce qui se passe dans la prochaine scène ? Dans les vingt prochaines pages du livre, c'est ça qui va se passer ».

Et c'est intéressant parce que, des fois, il y a des scènes qui font sacrément peur...

Des fois, tu restes coincé avant l'écriture de la scène pendant des semaines car ellete fait peur. Tu ne sais pas comment l'écrire. Tu ne sais pas comment l'aborder. Tu es devant l'ordinateur, tu n'arrives pas à taper le premier mot.

Et puis à un moment donné, tu arrives, tu tapes le premier mot et ça coule et la scène s'écrit finalement toute seule. Franchement, ce sont des choses dont je n'avais pas conscience qui allaient arriver, que ça faisait partie du processus d'écriture. J'ai découvert ça.

EYAEL : Dans ton roman qui est une sorte de thriller fantastique, il y a quand même une trame narrative assez structurée donc tu n'as pas écrit de façon linéaire ?

RUDY : Si, si je l'ai écrit de façon linéaire. C'est pour ça que j'ai dû attendre 235 pages avant de pouvoir écrire la scène que j'avais en tête !

EYAEL : Donc tu balances des indices dès le début et tu n'avais pas idée de ce que ça allait donner ?

RUDY : Pour être franc, un petit peu, en fait.

Par exemple, le premier chapitre, c'est l'exposition. Il y a deux personnages qui sont en colocation. On se rend compte qu'ils n'ont pas une vie super enrichissante ; ils jouent à des jeux vidéo, ils fument des joints, ils mangent de la pizza... Mais ce sont des copains, ils sont contents. Ils sont sympas, ils sont dans leur trentaine, ils profitent un peu de leur vie, de leur argent et ça va.

Dans la deuxième scène, on passe à un registre complètement différent. On a une vieille personne , on voit qu'elle est vieille, qu'elle est riche, qu'elle est mystique, qu'elle lit des bouquins un peu bizarres et qu'elle est stressée. Elle attend la visite de quelqu'un.

Ce quelqu'un finit par arriver, on ne sait rien de lui, juste son prénom : il s'appelle Siegfried. Et le vieillard, qui s'appelle Jebediah et qui est un personnage important dans le bouquin, va lui donner une dent dont on apprend que c'est sa dent et qu'il se l'est arrachée lui-même à la main.

Donc je savais un peu où j'allais – c'était une idée que j'avais. Mais à part ça, souvent les indices que je balance, des fois, c'était juste : « Bah tiens, on va taper ça et puis on va voir ce que ça va donner dans le futur... »

Et bon, je dois être franc, des fois tu reviens dans le passé, tu dis : ça je n'arrive pas du tout à le faire converger ni quoi que ce soit », donc tu re-modifies un peu le passé. C'est non linéaire mais dans le sens où j'écris de manière linéaire et je reviens dans ce que j'ai déjà écrit pour le corriger pour faire que le futur et le passé correspondent.

EYAEL : C'est vraiment suivre le fil de son inspiration.

RUDY : Ah mais complètement. Je voulais prendre du plaisir à faire ça.

Inspiration

EYAEL : Tu as eu beaucoup de recherches à faire pour ton roman ou pareil, tu t'es laissé porter ?

RUDY : Je n'ai pas eu de recherches à faire pour mon roman. Ce sont des recherches que j'ai eu à faire pour autre chose mais il y a certains éléments pour lesquels je me suis dit : tiens ça, j'ai envie de le partager. On parlait par exemple de la philosophie tout à l'heure...

EYAEL : Pour les lieux, par exemple, ce sont des lieux que tu as inventés ou bien qui existent vraiment comme le fameux manoir de Jebediah ?

RUDY : Ah non, ça c'est dans ma tête.

En fait, une de mes références est Stephen King et une autre est un écrivain japonais qui s'appelle Haruki Murakami. Il a écrit des bouquins comme 1Q84Kafka sur le rivage ou les Amants du Spoutnik.

C'est un écrivain chez qui c'est toujours un peu la même structure, c'est-à-dire que tu as une situation un peu normale de gens normaux et d'un coup, il y a quelque chose qui sort de l'ordinaire, de la normalitéqui se produit. Pas genre les extraterrestres qui arrivent mais quelque chose d'un peu bizarre et la bizarrerie augmente crescendo dans la vie des personnages.

Et c'est un peu le rythme que je voulais faire paraître ici. Et effectivement en mettant des thèmes qui me sont chers comme... on ne va spolier mais on va dire comme certains thèmes politiques ou certains thèmes philosophiques.

La douleur du rejet, aussi violente soit-elle, finit par disparaître. Le doute quant à lui est nettement moins douloureux sur le moment. C'est pour ça qu'il constitue la solution de facilité, mais parfois, au lieu de s'atténuer et de disparaître dans l'oubli, le doute reste, s'intensifie, et devient une question lancinante et inévitable qui emplit tout ton esprit, tous tes moments de joie, tout ton être, une question qui te ronge et te consume, jour après jour, pour ne laisser derrière elle qu'une coquille vide.

Perception Majuscule p42

EYAEL : Il y a beaucoup de sagesse d'ailleurs dans certaines répliques des personnages.

RUDY : Merci.

Donc après ça se passe à Montréal qui est la ville dans laquelle j'ai commencé à écrire le bouquin. Maintenant je suis dans un village dans les bois au Québec. Ça parle donc de Montréal mais c'est MA version de Montréal.

D'ailleurs c'est une géographie assez bizarre parce qu'il n'y a pas vraiment de collines à Montréal. En fait, c'est volontairement que j'ai voulu faire transparaître cette espèce de structure un peu bizarre pour que les gens qui connaissent les lieux soient un petit peu perdus.

Si tu regardes bien attentivement (parce que moi, le bouquin avec toutes les corrections, j'ai dû le lire entre douze ou quinze fois peut-être) au niveau de la chronologie, il y a des choses un peu bizarres aussi. On a une vague chronologie mais parfois le temps est un peu dilaté, le temps est un peu contracté.

Des fois, tu arrives dans un endroit, on est en plein hiver et tu te retrouves dans une espèce de truc genre botanique printanière et tout ça. J'ai voulu mettre ce côté un peu surréaliste plutôt qu'irréaliste pour qu'on baigne dans cette ambiance mystérieuse qui fasse décrocher de la réalité terre-à-terre.

J'ai découvert aussi qu'il était difficile d'établir une chronologie dans un bouquin. Pour la suite, dès le début j'aurais une ligne de temps avec les événements et quand ils se passent parce que si tu ne fais pas ça, après tu te paumes et c'est compliqué.

À suivre : deuxième partie à paraître prochainement

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