Anatomie du fantastique

Je vous invite vivement à aller lire les articles des autres participants à cette nouvelle session du projet inter-blogs Eklabugs sur le thème du mois qui est le fantastique et dont vous trouverez la liste et les liens à la fin de ce billet.

Le fantastique aux limites de l'entendement

Je rêvais d'une autre terre
Qui resterait un mystère,
Une terre moins terre à terre.
Oui, je voulais tout foutre en l'air.
Je marchais les yeux fermés,
Je ne voyais plus mes pieds,
Je rêvais réalité —
Ma réalité m'a alité.

"Un Autre Monde", Téléphone (1984)

Du latin phantasticus, le fantastique désigne tout ce qui relève de l'imaginaire, de l'irréel, qui ne correspond pas à la réalité, voire la dépasse, ou encore « qui est invraisemblable à force de fantaisie ». Ce qui le distingue du merveilleux (fantasy), de la science-fiction et de l'horreur, dans lesquels les paradigmes sont clairement établis, ce sont justement ses paradoxes et ses frontières floues entre une réalité établie (la nôtre) et une autre qui soit y fait intrusion (surnaturel) ou bien la transcende (surréalisme).

En un mot, le fantastique est ambigu en ce qu'il introduit le doute dans nos esprits et nous oblige à nous questionner et à réexaminer certains fondements de notre réalité perçue. Car quand bien même certains faits ou récits troublants pourront toujours trouver des explications rationnelles, ils viennent néanmoins ébranler nos certitudes et chambouler nos modes de pensées, nous permettant ainsi de progresser en élargissant notre conscience. « Et si... »

Il ne faut pas oublier que la logique sur laquelle nous établissons nos repères afin de survivre et évoluer dans un monde physique repose entièrement sur des informations acquises (éducation, expérience, conditionnement social, croyances). À l'instar d'un programme informatique, le champ d'action de notre mental se limite à sa base de données et à ce qu'il qualifie de domaine du possible. Il peut donc au mieux tenter de repousser ces frontières en se connectant à notre subconscient (ou conscience supérieure) relié, lui, au monde métaphysique dans lequel cette notion d'impossibilité n'existe pas puisqu'il est infini. Pour résumer grossièrement la chose, nous recevons sans cesse des informations de notre subconscient que notre mental filtre et adapte pour redéfinir sa réalité physique. Et si le mental est un programme, il est donc possible de lui injecter des données erronées (comme un virus informatique) pour fausser sa perception de la réalité.

Le fantastique né de l'obscurantisme religieux

Le fantastique n'a d'intérêt que parce qu'il surgit du réel et l'enlace.

Salman Rushdie, L'Express, 22 juillet 2015

Avant d'être un genre cinématographique très populaire, le fantastique est surtout un genre littéraire substantiel dont les origines sont beaucoup plus anciennes que celles de la fantasy anglo-saxonne (dont il n'est pas l'équivalent puisque la fantasy crée des réalités à part qui ne se mêlent pas à la nôtre). Il serait né au Moyen-Âge et issu des mythes celtes, franciques et germaniques qui passèrent alors de la religion (croyance et culte) au folklore populaire (de « folk », le peuple et « lore », traditions). On pense à la Légende du Roi Arthur mais également au poème épique La Chanson de Roland qui a d'ailleurs inspiré toute une série de fantasy au maître contemporain du fantastique, Stephen King (La Tour sombre).

Mais c'est surtout vers le milieu et la fin du XIXe siècle que le genre prit son plein essor, des deux côtés de l'Atlantique, avec les fameux contes fantastiques d'Edgar Poe (1839-1845), la Légende de Sleepy Hollow de Washington Irving (1849), le Horla de Guy de Maupassant (1887), le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde (1890), Dracula de Bram Stocker (1897) ou encore le Tour d'écrou de Henry James (1898), pour ne citer que quelques œuvres majeures.

Le règne du fantastique politique

Un pas en avant, des pieds de nez,
Des grimaces et des menaces.
Accroche-toi à moi et moi et moi aussi !
Je n'y comprends plus rien :
Des slogans, des peintures de guerre —
Mais quel grand carnaval !

"Un Grand Carnaval", Indochine (1987)

Si de nos jours, le fantastique a su trouver sa place aussi bien en littérature qu'au cinéma et dans les arts, on peut dire qu'il est carrément omniprésent dans le domaine de la politique et des médias où des manœuvres psychologiques, que David Icke qualifie « d'arnaques à la perception », sont déployées en permanence afin de manipuler la manière dont nous percevons la réalité et influer ainsi sur nos réactions. N'oublions pas que le terme fantastique a également pour synonymes faramineux, extraordinaire, énorme...

Énorme comme les scénarios hollywoodiens auxquels les couvertures médiatiques font penser. D'ailleurs la thématique du genre, comme définie dans le livre de Gérard Lenne consacré au cinéma fantastique, y est bien respectée :

  • le bien et le mal, la possession
  • le double et le dédoublement
  • la monstruosité, l'autre
  • le gigantisme
  • la bestialité
  • la folie, le délire
  • la métamorphose et la mutation

Ainsi que les procédés et techniques employées :

  • les effets spéciaux
  • le maquillage
  • les effets sonores
  • les mises en scène

Hollywood, ainsi nommé en référence au bois sacré des druides (le houx), n'est rien d'autre qu'une usine à rêve en ce sens où elle vend l'illusion au public.

Le double enjeu de cette manipulation par Hollywood :

1. Conditionner le cerveau du peuple (faire passer ces messages de façon claire ou subtile) et ainsi préparer l’esprit humain à accepter l’inacceptable grâce à la création de la peur et  du mensonge.
2. Cacher la vérité au peuple en faisant passer pour de la science-fiction des évènement biens réels.
(Source)

Le fantastique en Chimérique

Je vis dans une boîte à musique,
Électrique et fantastique.
Je vis en Chimérique.

"Lettre à France", Michel Polnareff (1977)

Rien de bien surprenant, donc, à ce que le public hypnotisé gobe si facilement et si goulument des bobards incroyables et rejette les objections pourtant plus que pertinentes et soigneusement documentées des médias alternatifs et des journalistes d'investigation comme théories du complot en traitant systématiquement ces derniers et tous ceux qui abondent dans leur sens « d'allumés du bulbe » (nous, au moins, on éclaire).

Décidément, l'hôpital n'a pas fini de se foutre de la charité !

Projet EklaBugs #6 (Novembre 2015)

© La Pensine Mutine. Tous droits réservés. Reproduction interdite.

Image couverture : Sara Hausmann

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