J'ai rêvé d'un autre monde

Non, vous ne rêvez pas : le sujet de cette vingt-troisième session Eklabugs aurait très facilement pu virer au cauchemar avec les soldes (ou les péchés capitaux) s'il n'y avait eu mon attrape-rêve amérindien pour écarter les chimères et autres croque-mitaines de cette Matrice d'illusion qu'à tort nous appelons réalité. Grâce à mon gri-gri sioux, le rêve est donc devenu thème et (grand soulagement) vous pouvez maintenant vous laisser dériver avec sérénité dans la douce torpeur de ce songe d'une nuit d'été — même si nous n'en sommes qu'au tout début et qu'il fait plutôt frisquet.

J'ai un rêve.
Le rêve que j'ai,
Tout le monde le fait :
Je rêve d'eau
Mais d'océan —
Ah ! l'océan
Au sud et vivre de pêche
Mais les rêves on les empêche...

"Le Rêve du pêcheur", Laurent Voulzy (1992)

Encore un sujet bateau me direz-vous (normal, c'est le principe de ce projet interblogs) et comme vous le savez certainement si vous suivez mes délires depuis suffisamment longtemps, je fais souvent des rêves humides (non, non, je vous arrête tout de suite bande de pervers) voire même submergés. Dire donc que le rêve me passionne serait carrément un euphémisme vu que j'y consacre une rubrique entière. Quoique rien de plus normal pour quelqu'un qui a Neptune culminant en signe d'eau dans son thème astral.

Qu'est-ce que le rêve ?

Contrairement à une croyance bien entretenue, le rêve, selon Pierre Fluchaire dans la Révolution du rêve, ne serait pas une hallucination ni un fantasme ni une illusion, un produit de l'imagination ou une fiction (qui sont tous des travestissements de la réalité) mais une vision, une projection de nous-mêmes, une représentation, une manifestation de tout ce qui se passe en nous. La confusion vient sans doute de ce que ce terme soit apparu vers la fin du XVIIe siècle, supplantant le songe qui désignait le rêve au sens onirique qui nous intéresse pour endosser plusieurs significations ayant en commun l'évasion. Il fut d'abord employé pour parler de délire, de radotage, de tromperie pour dériver progressivement vers l'imagination, l'extase (du verbe « raver » et du substantif « ravaison » ou « raveison »). (source)

D'ailleurs, en parlant de croyances, celle de l'origine divine des songes est universelle. Au début l'humanité y voyait, à raison, une connexion avec le divin qui est en nous. Puis vinrent les religions qui se mirent à semer le trouble en décrétant quels rêves étaient prophétiques, quels autres étaient sataniques. Et comme bien sûr seuls les Élus du Seigneur peuvent recevoir ses messages, je vous laisse deviner pourquoi nous sommes tous dignes du purgatoire ! Lui succédèrent ensuite la psychanalyse qui ne fit guère mieux (et dont vous avez certainement entendu parler notamment grâce à ce cher vieux Sigmund) et tout dernièrement la neuropsychologie qui voudrait canaliser les rêves pour mieux les contrôler comme dans le film d'anticipation Inception.

C'est de cela que sont faits les beaux rêves
Comment pourrais-je ne pas être d'accord ?
Je parcours le monde de long en large,
Nous sommes tous à la recherche de quelque chose.

"Sweet Dreams", Eurythmics (1982)

Et quelle part de rêve nous reste-t-il dans toute cette dissection malsaine dont le seul et unique but a toujours été de déconnecter l'humain de sa véritable nature multidimensionnelle ?

Le rêve plus réel que la réalité de l'éveil

Tout d'abord, il faut savoir que l'ego s'attribue à tort toute la conscience et que l'état de veille, prisonnier des préjugés qu'il a lui-même générés, n'est que le sommet de l'iceberg. Ainsi, le sommeil profond serait en fait la conscience à l'état pur ou l'Éveil au sens oriental. Alors que le Moi de l'éveil est changeant, superficiel, factice, inventé par l'intellect, le Moi du rêve, lui, est profond, authentique.

La vie est un rêve et nous sommes l'imagination de nous-mêmes.

Bill Hicks

Le terme « imaginaire », désignant ce qui n'existe pas, est un abus de signification en ce qui concerne le rêve, le piège mental étant que « nous jugeons ce qui se passe dans le rêve lorsque nous sommes dans un autre état ; chaque état doit être rapporté au système de références qui lui est propre » nous explique Pierre Fluchaire. La réalité intérieure demeure, surtout si l'on n'en tient pas compte. Il faudrait donc dire « imaginal et non imaginaire ».

Qui s'adresse à nous dans nos rêves ?

L'inconscient libéré quand la barrière de la censure qu'exerce le conscient est levée ou encore le Ça ou océâme (terme qui vous l'aurez compris ne pouvait que me plaire), une immense réserve de contenus inaccessibles à la conscience (ceux qui ne lui ont jamais été proposés et ceux qui ont été refoulés ou oubliés) et dont ce qui s'en échappe constitue le « flot infini ».

Il faut savoir que notre inconscient s'intéresse et s'occupe à tout autre chose que notre conscient, en l'occurrence à ce qui va le moins bien en nous. Et que contrairement à ce dernier, il possède les deux sexes et est intemporel. D'ailleurs nous ne sommes pas un mais plusieurs, tous les personnages de notre psyché constituant notre être entier ou les pièces de notre puzzle (persona, ombre, animus/anima) et que c'est le Soi (l'être de lumière en nous) qui en relie toutes les parties mais aussi tous les êtres entre eux.

La rêverie est le clair de lune de la pensée.

Jules Renard

Le conscient serait donc le Moi qui se prend pour le Soi. Il joue des rôles sérieux alors que l'inconscient est toujours lui-même et le centre du savoir et des énormes potentiels qui sommeillent en nous. Il possède en outre une mémoire absolue, le problème de mémoire n'étant pas l'enregistrement mais la restitution.

Mais l'inconscient contient surtout une énergie comparable à celle de l'atome (que l'on pourrait donc qualifier de nucléaire) que nous devons domestiquer au lieu de réprimer car elle peut se retourner contre nous. Le conscient comprend, l'inconscient fait agir et constitue le centre de la vraie intelligence. C'est notre centre spirituel : concret le jour, désincarné la nuit (en liaison avec le cosmos, l'inconscient collectif).

Pierre Fluchaire nous explique encore que « les surdoués sont ceux qui savent le mieux exploiter les richesses de leur inconscient, notamment en écoutant leurs rêves ; ils n'ont pas de cerveau spécial ».

L'être et le paraître

Il faut savoir que l'on consacre environ cinq ans de sa vie à l'activité onirique ! Notre vie consciente ne se déroule qu'à la surface de nous-même, se limitant le plus souvent à l'intellect et à nos sens qui sont des passerelles jetées entre le monde et nous. Mais nous vivons en marge de nous-mêmes et le rêve nous permet de nous retrouver, de nous faire traverser le miroir qui ne renvoie qu'une image superficielle.

En nous permettant d'élargir notre Moi (ce qui n'a rien à voir avec le narcissisme), nous mettons l'ego en péril. Le rêve nous incite à transformer cette matière brute qui dort en nous et peut nous y aider car il est notre guide intérieur.

Donnez-moi un rêve où vivre parce que la réalité est en train de me tuer.

Jim Morrison

Certaines personnes ne vivent qu'en façade et leur intérieur abrite un cadavre. Car cultiver son intériorité est comme entretenir un jardin ou un potager qui peut mourir faute de soins. Ceux qui ne vivent que par ou pour les autres en laissant dépérir leur intérieur ne sont ni généreux ni altruistes mais au contraire des parasites énergétiques car, ne sachant plus puiser dans leur énergie vitale (l'inconscient), ils ont besoin de celle d'autrui pour subsister. Ces individus sont en conflit permanent car leur psyché est en pièces détachées au lieu de former un tout. L'angoisse qu'ils ressentent vient du rejet du gardien de la barrière entre leur monde quotidien et leur monde intérieur. Plus on le rejette, plus la névrose s'accentue.

L'état de grâce

Le rêve est donc un agrandissement de notre champ psychique et nous permet d'avoir une vie plus large en échappant à la prison de notre intellect qui fragmente et contrôle tout. Notre conscience est toujours horizontale (passé-présent-futur) et n'évolue pas alors que l'inconscient permet de transcender les conflits pour les dissoudre (mouvement vertical).

Vous pouvez bien me traiter de rêveur
Je ne suis pas le seul.
J'espère qu'un jour vous nous rejoindrez
Et que ce monde ne fera plus qu'un.

"Imagine", John Lennon (1971)

Il y aurait tant encore à dire sur le rêve (raison pour laquelle j'y consacre une rubrique entière) mais nous y reviendront dans le cadre d'autres articles. Pour l'instant, j'aimerais encore vous inviter à ne pas négliger vos rêves sous prétexte qu'ils vous semblent incohérents, insignifiants et que vous ne les comprenez pas. Ou encore parce que vous ne vous vous en souvenez pas au réveil et en déduisez, à tort, que vous dormez d'un sommeil sans rêves.

Personnellement, il m'aura fallu des décennies pour en comprendre certains, imprimés dans mes cellules comme des tatouages vibratoires et qui se sont avérés essentiels à ma survie dans ce monde de plus en plus dingue et déconnecté, noyé dans la surinformation et la désinformation. Mes rêves dérangeants, défiants les archétypes et autres clefs des songes, m'ont permis, notamment, d'écarter le doute quant à certaines révélations sur mes origines spirituelles et la réalité hallucinante de ce monde digne des pires scénarios de science-fiction que certains vont avoir beaucoup de mal à accepter lorsque le voile sera arraché malgré tous les efforts déployés par ceux qui nous contrôlent afin que cela n'arrive jamais.

Car certes si le doute, comme nous l'avons vu récemment , a son utilité, il peut aussi devenir totalement paralysant et nous enliser dans la confusion (but recherché dans cette guerre de la conscience). Le rêve est donc salutaire et devrait être aussi vénéré que le sacro-saint intellect.

Alors comme ça vous pensiez ? Et bien rêvez maintenant !

Projet Eklabugs #23

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