Je dis ça, je dis rien...

Circulez, y'a rien à voir ! Ou plutôt Jack a dit : « Laisse la parole à l'argent, silence et dors ». Tel est le thème de la session Eklabugs de ce mois, dédiée à la majorité silencieuse qui n'aurait apparemment rien à dire. L'histoire d'un poisson d'avril qui a tellement bien pris qu'il a su s'imposer comme sujet parfait. Le monde du silence dans l'aquarium.

Qui ne dit mot consent

Dévaluation des émotions,
Récessions des opinions,
Inflation dans l'expression,
Parle-moi ou tais-toi !
T'as qu'ces mots...
T'as qu'ces mots à la bouche.
T'as qu'ces mots...
Que tu m'sers à la louche.

"T'as qu'ces mots", Téléphone (1984)

Comble du paradoxe : il y aurait tant à dire sur ceux qui n'ont rien à dire que j'en reste coite. Les mots me manquent. Ça vous en bouche un coin, n'est-ce pas ?

D'un autre côté, le silence est une valeur étalon toujours plus sûre que la parole, trop soumise aux aléas des inflations et déflations. Raison pour laquelle d'ailleurs aujourd'hui beaucoup s'évertuent à parler pour ne rien dire. Même si d'aucuns le font aussi pour le simple plaisir (ou besoin) de s'écouter.

Quand une pièce est vide, forcément ça résonne (mais ça ne raisonne pas davantage pour autant). Il faut donc meubler pour atténuer la réverbération et arrondir les ondes de retour.

Comme les chambres d'écho merdiatiques, par exemple, où l'information, les idées ou les croyances sont amplifiées ou renforcées par la communication et la répétition dans un système défini. « À l'intérieur d'une chambre d'écho médiatique, les sources ne sont généralement pas remises en question et les points de vue opposés sont censurés ou sous-représentés. » (Source)

Rien à dire mais beaucoup à maudire. Le mal a dit, les maux s'expriment. Plus l'ego prend de place, plus il a tendance à trouver son bocal étroit. Gare aux pètes ! Alors pour colmater les fissures, certains abusent de prétérition : « je ne vais pas vous dire... » mais ils vous le disent quand même.

Pippy aime bien lâcher une remarque désagréable, puis ajouter « Je dis ça, je dis rien » ; elle a ainsi le sentiment qu'elle peut insulter les gens autant que bon lui semble et sans leur laisser le loisir de se vexer — puisque, après tout, elle n'a rien dit.

Danny Wallace, Tous pareils (2015)

De quoi vous laisser bouche bée, hein ?

Objectif Taire

Notre temps est compté
Impossible de le refouler,
Impossible de réprimer ses hurlements.
Comment en sommes-nous arrivés là ?

"Time Is Running Out", Muse (2007)

Le temps presse alors remettons vite les pendules à l'heure : ce n'est pas parce qu'ils se taisent que la plupart des gens n'ont forcément rien à dire. Et il serait bien péremptoire de ma part d'en présumer autrement. Les experts autoproclamés s'en chargeront bien à ma place. Jusqu'au jour (béni) où leur science infuse les catapultera au rang d'idiots du village — le paradoxe étant qu'ils le sont déjà mais ne le savent pas encore.

Sans doute ce même paradoxe encore qui fait que leur vérité absolue est tellement peu sûre de sa valeur irréfutable et de son évidence triomphale qu'il leur faut malgré tout s'entourer d'une meute de chiens de garde enragés, dressés à sauter à la gorge de tout contrevenant à la pensée unique au moindre mot non conforme à leurs tics (et toc). Peu importe si l'objecteur objectif (abject) en question se trouve être beaucoup plus calé et expérimenté en la matière que lesdits experts (bientôt ex-pairs et nouveaux perd-dents).

Bref, avec eux, la science a toujours le dernier mot sauf celle qui flanque par terre tous leurs complots éhontés dont ils accuseront sans vergogne quiconque osera briser l'omerta. On appelle cela l'inversion accusatoire.

Peu importe qu'il s'agisse d'une volonté délibérée d'invalider toute opinion contraire ou bien de l'effet miroir de celui qui ne sait pas que c'est de lui et non de l'autre dont il parle — concept fort bien illustré par ailleurs dans Le Prince des ténèbres où un miroir sert de passerelle à l'essence du mal (un film de John Carpenter, auteur de nombreux films fantastiques visionnaires et allégoriques tristement devenus actualité comme The Thing et Invasion Los Angeles).

Crise insani-Taire vs chant unit-Terre

Apprenez-nous à tricher,
À mentir et à dissimuler
Ce qui ne saurait être partagé
Et le déploiement de la vérité
Érode mon esprit

"Citizen Erased", Muse (2001)

Malfaisance et Bien-pensance sont dans un bateau. Malfaisance tombe à l'eau. Que reste-t-il ? Personne. Car ceux qui ne disent jamais rien pour éviter les ennuis finissent toujours par couler même s'ils ne se mouillent jamais.

Ce n'est là aucunement une opinion ni un jugement quelconque mais la simple constatation de la loi de consentement en action — principe universel absolu auquel même Malfaisance ne peut contrevenir et doit donc user de subterfuges afin ne pas subir la loi de retour. Car la loi du discernement entre aussi dans l'équation où chacun est responsable de ce qu'il choisit de croire même si ses intentions sont pures et honorables (on dit bien que « l'enfer est pavé de bonnes intentions »).

C'est pourquoi, à l'instar de La Lettre volée d'Edgar Allan Poe, leur vision et leur plan ont toujours été exposés aux yeux de tous sans pour autant être jamais pris pour autre chose que de purs fantasmes par la majorité (merci Hollywood, merci l'industrie du spectacle, merci l'art de la rhétorique...). Aujourd'hui la situation a atteint un tel paroxysme que l'ignorance ne dédouane plus personne : il y a ceux qui savent et ceux qui refusent de savoir. 

Et malheureusement pour ceux qui nagent encore dans la confusion et qui ne savent plus à quel saint se vouer (ne dit-on pas qu'il « vaut mieux s'adresser au bon dieu qu'à ses saints » ?), la neutralité est encore un mythe démonté par la physique la plus élémentaire où c'est toujours l'énergie la plus forte qui détermine le sens du mouvement (expérience du pendule de Newton).

Il est parfaitement normal et même très sain de douter mais lorsque la confusion s'installe, c'est signe que la connexion au Soi ne passe plus et qu'il faut se couper de toutes les sources de parasitage y compris celles qui vous semblent bienveillantes. C'est d'ailleurs le seul endroit où la neutralité (non polarité) existe réellement et où vous pourrez accéder à la transcendance. Tout choix éclairé passe par cette phase d'isolement et non par l'avis ou l'expertise des ils et des ons. C'est une étape difficile certes, mais un passage obligé pour sortir du brouillard et accéder à sa propre lumière.

Car même si nous sommes tous embarqués dans la même galère, nous avons tous un chemin différent à parcourir. Certains mettent juste plus de temps à explorer les nombreux chemins de traverse quand d'aucuns s'égarent à prendre des raccourcis et d'autres se retrouvent piégés dans des voies sans issue. Mais la finalité est identique : où seuls nous allons, tous nous allons. Soit Un pour tous, tous pour Un.

Je vous invite maintenant à aller explorer les non-dits des autres participants dont vous trouverez la non-liste ci-dessous.

Projet EklaBugs #69

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