L'enjeu planétaire de la mauvaise foi

Je jouais beaucoup au tennis dans les parcs publics — des doubles réguliers avec les mêmes joueurs et beaucoup d'échanges verbaux. Mais je me suis toujours fait un devoir de déclarer les lignes telles que je les voyais.

La règle au tennis est que si l'on ne voit pas clairement la ligne franchie, on doit abaisser la main et la déclarer bonne. Ça peut faire mal mais si on ne le fait pas, techniquement c'est de la triche.

Parmi les habitués, il y avait ce type très haut en couleurs et plein de bravade qu'il était impossible de ne pas aimer. Il pouvait vous taper sérieusement sur les nerfs mais en y repensant plus tard, vous haussiez les épaules en riant.

Un jour, nous étions partenaires, comme c'était souvent le cas, dans un match très serré que tous les deux nous voulions vraiment remporter. Mais pour lui, il ne pouvait être question de perdre et sur un point important, il s'était tourné vers moi en me disant : « Si elle est limite, déclare-la hors jeu ».

J'étais scandalisé. C'était un sacrilège envers ce sport que j'aimais.

Je lui avais dit que je la déclarerais telle que je la verrais et ça l'avait beaucoup contrarié. J'ai oublié si nous avions gagné ou perdu mais cela avait mis en lumière un enjeu auquel nous sommes confrontés aujourd'hui.

Mon ami était-il une mauvaise personne ? Son intention était-elle en aucun cas mauvaise ? Ou, davantage dans ma ligne de pensée, était-il ignorant et conditionné à être oublieux de la manière dont les choses devraient être ?

Ou qui peut le dire ?

Quand on voit le sport professionnel, les commentateurs marquent leur appréciation en ricanant dès qu'un athlète joue un tour à l'autre équipe ou trompe les arbitres.

Ainsi les normes de notre époque changent constamment et beaucoup de personnes estiment également vivre dans un environnement hostile nécessitant d'avoir recours à certains expédients. Sans doute parce qu'ils ont une famille à nourrir.

Selon Eckhart Tolle, il n'existe pas de personnes malveillantes — juste des inconscients et c'est peut-être le cas.

Mais il est clair que certains actes font pourtant prendre conscience aux gens sains qu'il s'agit de mauvaise foi.

Je citerais l'hypocrisie comme indicateur qu'une personne n'agit pas de bonne foi. Au mieux, exprimer des croyances totalement contradictoires ne rend pas quelqu'un fiable. Laquelle de ces positions d'un tel individu doit-on croire ?

Il n'y a pas si longtemps, quand la presse exposait l'hypocrisie flagrante ou les actes de mauvaise foi d'un politicien ou d'un juge, ce dernier démissionnait. Mais plus maintenant ; ils ont des agences de com spécialisées dans la résurrection de réputation et font même souvent coup double.

Double jeu et conflits d'intérêts

Dans notre système capitaliste, il y avait des institutions qui essayaient de faire respecter l'éthique dans les affaires et la politique. Actuellement, nous avons été témoins de conflits d'intérêt manifestes au sein de la Cour suprême et pendant longtemps ce qu'on qualifie de « lobbying » et qui est en fait de la corruption.

Un ancien président américain est poursuivi devant quatre tribunaux différents pour avoir éviscéré le plus d'institutions législatives possible durant son mandat. S'agissait-il de mauvaise foi ? Notre système judiciaire va-t-il survivre afin que toute personne de n'importe quel bord politique doive répondre de ses actes ? Ou bien le système tout entier peut-il évoluer de manière consciente pour servir les intérêts de tous les individus ?

Comment est-on supposé se comporter avec les autres quand les normes changent tout le temps et en étant en conflit permanent avec leurs opinions et leurs croyances ?

Si c'est tout Un, c'est tout bien ?

La non-dualité résout (spirituellement ?) le problème en affirmant que nous sommes tous UN et qu'ainsi le jugement de mauvaise foi est le fruit d'un « individu » illusoirement séparé.

C'est bien beau mais qu'en est-il de celui qui s'est fait escroquer et qui compte sur la LOI pour régler les choses ?

Là encore, dans notre système, le jugement du tribunal risque de dépendre des talents de l'avocat que vous aurez les moyens de vous payer.

Mais sommes-nous vraiment condamnés à vivre dans un monde intégralement mercantile ?

La plupart de ce que les gens estiment comme « sacré » ou moral est lié aux religions organisées qui, des siècles durant, ont imposé leurs divers codes de conduite à leurs adeptes et souvent à leurs sujets conquis. Notre laïcité néo-libérale n'a fait que détruire ces croyances et normes.

J'estime, toutefois, que le problème de mauvaise foi chez les humains est désormais existentiel et doit être souligné et pris en considération.

La mauvaise foi nous a conduits au bord du gouffre

Comme exemple, je citerai l'évidence de la campagne médiatique fallacieuse menée par l'industrie des combustibles fossiles qui a eu recours à des « recherches » universitaires frauduleuses pour mettre un terme aux réglementations. Une autre évidence concerne la NRA (organisation américaine protégeant le droit de posséder et porter des armes à feu — N.d.T.) et l'industrie de l'armement qui a permis d'introduire des armes de guerres dans nos rues.

Le dénominateur commun à tous ces problèmes est que certains individus ont simplement ignoré les besoins d'autrui ou de la communauté et ont agi de mauvaise foi sans la moindre responsabilité aucune.

Comment aborder cet aspect fondamental de décence humaine alors qu'il fait défaut à ceux qui accèdent au pouvoir ?

« Nous sommes dans une démocratie et nous devons voter. » C'est un concept super mais qui ne fonctionne clairement pas.

C'est en lien direct avec le changement ou la transformation que beaucoup ont dépeint comme l'abandon de notre conditionnement égoïque intéressé et la reconnaissance de notre lien intime avec une intelligence supérieure — la vie, l'Être ou si vous voulez, Dieu.

En fait, nous avons identifié bon nombre des problèmes qui mènent à la mauvaise foi évidente : les traumas et abus générationnels et familiaux. Si vous avez été maltraité, le besoin de sécurité peut vous conduire à maltraiter les autres.

Mais tout le monde ne succombe pas à de telles forces instinctives et d'aucuns ont recours à la raison pour observer l'interconnectivité de tout au-delà des abstractions réductionnistes du langage de nos étiquettes et d'une science soi-disant « objective ».

La bonne foi est clairement évolutive

Beaucoup se servent de principes scientifiques pour remarquer la complexité et l'interdépendance de toute vie comme décrit dans un récent article sur les champignons extraordinaires — une forme de vie ni animale ni végétale mais comme le microbiome de la planète.

Et bien sûr, nombre d'organisations activistes essaient d'appuyer, par une multitude de moyens, la croyance de « l'unité » contre « la séparation » .

Eckhart Tolle, entre autres, a également affirmé que notre survie en tant qu'espèce n'était pas garantie. La science nous a permis d'avoir un aperçu de l'échelle véritable et de l'immensité de l'univers dans lequel notre planète a permis la vie.

William Shatner, l'interprète du Capitaine Kirk, a partagé son sentiment personnel de tristesse et de honte en regardant notre planète depuis l'immensité de l'espace et en réalisant la précarité de notre situation actuelle.

Les films et les médias n'ont pas transformé beaucoup d'esprits et ont souvent l'air d'œuvrer comme une résistance aux changements nécessaires, glorifiant les valeurs du consumérisme et de l'égoïsme.

Cela dépend de chaque individu

Comme l'ont découvert des organisations comme les Alcooliques anonymes, pour vraiment changer, il faut en reconnaître le besoin et personne ne peut le faire pour personne.

Pourtant, au minimum, notre société doit avoir recours à un système de justice juste et équitable, accompagné (malheureusement) d''une forme d'application énergique afin d'identifier et éradiquer les acteurs de mauvaise foi.

Et, d'une certaine façon, il nous faut restaurer les valeurs jetant une saine opprobre sur la mauvaise foi manifeste. Nous devons créer un sentiment de communauté où le lien humain est une valeur ressentie.

Des forces extérieures colossales semblent également à l'œuvre à des niveaux et dimensions que nous pouvons à peine imaginer, mais toutes les traditions de sagesse insistent sur une responsabilité personnelle envers autrui et également l'environnement et il s'agit-là de valeurs évidentes et sacrée que nous devons incorporer à notre système individualiste et capitaliste.

Au final, les actes de mauvaise foi mènent au chaos et à l'entropie et se mettent en porte-à-faux avec les forces évolutionnaires de la Vie qui cherche à évoluer en tant que Conscience. Le relativisme doit céder à un absolu qui est l'alignement avec les forces de la Nature et de la Vie elle-même.

Texte original de TOM BUNZEL traduit de l'anglais par EY@EL
© La Pensine Mutine. Tous droits réservés. Reproduction interdite.

Partager :

Aucun commentaire:

À l'affiche

La panthère du lac

À l'approche d'Halloween, je comptais publier un article d'Alanna Ketler sur la symbolique véritable du chat noir que je m'...

Derniers articles

Formulaire de contact

Nom

E-mail *

Message *