Si personne ne veut ça, pourquoi le faisons-nous ?

Je me souviens quand je regardais le journal du soir avec mes parents, je devais avoir 11 ou 12 ans. Parfois on voyait des gens sans nourriture ou sans eau. Des problèmes financiers et des problèmes de pollution. Des pays dont les peuples étaient en grande souffrance alors je jouissais de tout le confort de mon propre foyer.

À l'école, j'entendais parler des milliards dans le monde entier galérant pour leurs besoins fondamentaux. À Halloween, avec nos boîtes UNICEF, nous allions faire de petites collectes de dons pour les gens de ces pays dans le besoin.

Mon enfance m'a montré que beaucoup de personnes dans le monde étaient en souffrance et que celles de mon entourage voulaient aider.

Devant ces problèmes, je demandais à mes parents :

« Pourquoi le monde ne peut-il simplement pas aider ces gens et leur donner de la nourriture et de l'eau pour de bon ? On a rendu notre monde ainsi, alors pourquoi ne pouvons-nous pas le rendre autrement ? »

Leur réponse (et celle de mes profs) était du style :

« Malheureusement, ce n'est pas comme ça que fonctionne le monde. C'est triste mais c'est compliqué. »

Au lycée, tandis que j'apprenais davantage de choses concernant le monde et à me forger des opinions personnelles, j'ai commencé à réaliser que pratiquement personne ne voulait vraiment des fruits de ce monde dans lequel nous vivions et pourtant nous continuions à les produire.

En effet, année après année, désespoir socio-économique, guerre, pénurie de nourriture, d'eau ou d'abri pour des milliards de gens se voient considérablement accentués avec des humains malades et une crise de santé mentale à l'échelle planétaire — tout cela demeure ou empire.

À quand remonte la dernière fois où vous êtes tombé sur quelqu'un vous faisant part qu'il voulait tout ça pour l'humanité ? Probablement jamais (ou peut-être une seule fois ?). Alors pourquoi ces choses occupent-elles une place aussi prépondérante dans notre monde ? Pourquoi sont-elles la résultante de nos systèmes existants si personne n'en veut ?

Ceci amène à conclure que la conception de notre système social produit non seulement de mauvais résultats mais est tellement rigide que nous ne avons du mal à résoudre ces problèmes même lorsque nous en sommes conscients.

En grandissant, je me suis pris à remarquer que beaucoup d'entre nous se battaient souvent pour protéger l'insanité de nos systèmes et ce, surtout parce que nous ignorons ce qu'il est possible autrement et quoi faire.

C'est à cette époque que j'ai commencé à me sentir anxieux et légèrement déprimé. Mais cette nuit noire de l'âme en fin d'adolescence m'a conduit à développer des compétences, des pratiques contemplatives et une quiétude qui m'ont apporté non seulement la paix mais également la curiosité et des idées sur ce qui pourrait s'avérer une solution à ce défi collectif.

Je voudrais ajouter que j'ai bien conscience qu'une grande part de la raison pour laquelle notre monde fonctionne ainsi est liée à la capture non élue de nos institutions par ceux qu'on appelle communément l'état profond. De la nature même de cette capture, les agendas et désirs d'une minorité sont mis en œuvre, le moins possible étant révélé aux masses pour les apaiser suffisamment afin qu'elles ne se révoltent pas. (La quantité étant déterminée culturellement et géographiquement).

Néanmoins, pour avoir un aperçu du système, nous devons quand même observer le rôle que nous y jouons et comment nous le préservons en tant que peuple. En rejeter toute la faute sur l'état profond ne fournirait pas une image claire de la question en jeu.

Une approche différente

Vous avez été nombreux à avoir l'amabilité de commenter l'image de l'iceberg que j'avais proposée dans un précédent article. Comme je disais alors, ce modèle est assez courant dans la pensée systémique mais je voulais fournir un contexte social plus complet afin d'explorer les facteurs sous-jacents de notre société.

En posant des questions à ce niveau, nous empruntons une approche différente. Au lieu d'examiner certains symptômes (problèmes) au sein de notre société et d'essayer de les solutionner, nous cherchons à comprendre leur origine et leurs interconnexions.

Dans le premier épisode de mon podcast (en anglais), j'évoque la problématique du moment à laquelle nous somme confrontés qui implique une crise systémique globale avec des méta-crises et une crise de l'objet et de la finalité. C'est-à-dire que nous en sommes au point où beaucoup de ce qui est en train de s'effondrer ou se désintégrer actuellement, qu'il s'agisse de l'environnement, des institutions ou de la santé mentale, est interconnecté.

Essayer de régler un problème en surface sans comprendre véritablement où ni comment nous exerçons des pressions, le laisse en suspens. C'est pourquoi la pensée et la politique dominantes échouent généralement à apporter des changements significatifs. Il leur manque une vision d'ensemble.

C'est également la raison pour laquelle on dit qu'il faut apporter un nouveau niveau de conscience à la situation pour relever efficacement les défis de notre période actuelle. Ce dont nous avons conscience, ce que nous pensons, ressentons, percevons et nos réalités sous-jacentes, doivent évoluer pour faire face aux problèmes à un niveau plus global.

À mon sens, une refonte complète du système est nécessaire mais cela, bien sûr, ne peut se faire en un jour. Cela prendra du temps, requiert des étapes de transition, et doit se fonder sur une évolution de la conscience collective. Des idées à ce sujet furent avancées dans un projet que nous avons lancé en 2010 et je vais d'ailleurs bientôt relancer ces structures alors restez à l'écoute !

Au fil des années, nos discussions sur la transformation complète des systèmes ont souvent donné lieu à des réactions comme :

« Le socialisme, le communisme et le marxisme, c'est mauvais ! Pas question ! »

Mais personne ne dit que nous devons partir de là où nous sommes pour aller vers ça. En fait, l'émergence d'une solution à venir n'est pas de RETOURNER vers quelque chose de notre passé mais de faire naître quelque chose de nouveau.

La meilleure façon d'y parvenir est d'explorer les idées de ce qui est possible, dans un espace de quiétude et de présence incarnée en co-créant des solutions dans une collectivité. Nous devons évoluer d'un mode de pensée fondé uniquement sur la connaissance (connaissance de base du passé) vers une intégration du savoir également créatif et axé sur le cœur.

C'est le type de créativité qui émerge de ce que l'on appelle communément l'état de fluidité qui semble émaner d'un champ ou d'un potentiel en dehors de notre cadre restreint existant.

Atteindre ces niveaux de solution est certes un processus mais sur lequel je pense que nous devons focaliser toute notre attention.

Pourquoi le faisons-nous ?

Pour moi, nous « continuons à le faire » (créer de tels systèmes) pour de nombreuses raisons. Je voudrais aussi faire remarquer que les choses sont en train de changer. Mais pour aborder quelques pensées qui me viennent immédiatement à l'esprit, nous continuons à la faire parce que :

  1. On passe peu de temps à sortir de notre savoir actuel et de notre système de connaissances pour explorer les autres possibilités. Nous ne faisons, en général, que créer à partir du passé et du cynisme d'être « réalistes ». Nous sommes également enlisés dans la pensée combative à essayer de porter des accusations partout.
  2. On accorde peu d'attention aux nouvelles possibilités émergentes. C'est quelque peu paradoxal parce que l'attention est détournée par des contenus plus dramatiques, plus polarisateurs ou qui distraient davantage. Ainsi les créateurs de contenu seront peu motivés à créer ce type de contenu déclassé dans les fils d'information des réseaux sociaux si, de surcroît, les gens ne s'impliquent pas autant.

    Ce manque de motivation à créer ce type de contenu devient alors culture. Les « grands experts » à ce sujet ne sont jamais à court de débats astucieux, de pièges et d'arguments sous forme de clips sur Instagram et de « shorts » sur YouTube, tous conçus pour attirer votre attention plutôt que d'inviter à la réflexion.

    Et ensuite nous avons tendance à accorder de la légitimité à ces voix plus influentes comme si elles devaient avoir raison parce qu'elles étaient devenues virales. Mais ce n'est que cela : elles deviennent souvent virales parce qu'elles polarisent, vainquent et dominent quelqu'un d'autre — symptômes caractéristiques de notre société déconnectée hyper individualiste qui incite à davantage du même acabit.

    Nous ne cherchons pas à nous réunir, à écouter attentivement, à nous ressentir profondément les uns les autres et à co-créer un monde. Nous campons plutôt dans nos idéologies, cherchant à débattre et à détruire les idées d'autrui. Ce n'est pas de la co-création mais « ma voie à moi ou la voie rapide ».

    Pour résumer, avec peu de motivation sur le marché pour présenter ce type de contenu, moins d'attention y sera accordée, laissant les gens dans l'ignorance de ce qui est possible.
  3. On accorde pas suffisamment de temps en tant que collectivité à développer nos compétences et capacités à sentir et percevoir de nouvelles possibilités émergentes. Nos réagissons souvent à ce qui se passe, ce qui nous épuise et nous fait nous retirer pendant un temps. Avant de reproduire le même cycle à nouveau.

    Pour moi, si nous voulons apporter du changement et devenir les créateurs de société que nous pouvons être, nous devons développer nos aptitudes aux prises de conscience, aux liens du cœur, à la présence, à la communication et à l'écoute active. Grâce à ces compétences, les conversations enlisées dans le débat et l'idéologie céderont leur place à des conversations basées sur la créativité et la collaboration.

    C'est à nous qu'il incombe de nous montrer et de jouer un rôle, même si infime au départ pour évoluer doucement dans la bonne direction. Nous devons maintenir la vision et le potentiel d'un nouveau monde et non compter sur nos systèmes existants pour le produire.

En conclusion

Je suis convaincu qu'il existe de nombreuses autres raisons dont je n'ai pas parlé ici mais l'idée générale de ce que j'ai essayé de faire passer est que la plupart de nos entraves à aller de l'avant sont le fait de notre niveau de conscience actuel.

Il nous dit où nous devons porter notre attention, à l'intérieur comme à l'extérieur, et comment nous devons envisager ce qui est possible. Il y a certainement du vrai dans le fait d'être « réaliste » mais je pense que nous avons tendance à juger et démolir de bonnes idées bien trop vite, principalement par peur.

C'est pourquoi développer notre capacité à être forts, résilients et bien équilibrés mentalement et émotionnellement est important à ce stade. Cela maintient notre curiosité en éveil.

Ce que j'espère également que cet essai aura produit sur vous est de vous rendre curieux, que vous croyiez, exploriez et vous posiez des questions sur le domaine du possible. Il est facile de ne se pencher que sur le monde devant nous mais que pouvons-nous faire au quotidien pour voir et percevoir notre potentiel ne serait-ce que juste 10 minutes par jour ?

Texte original de traduit de l'anglais par EY@EL
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