Rouler sa bosse dans le monde libre

Ce grand cru du rock'n'roll composé par Neil Young, et repris par maints artistes de l'époque, est chargé d'histoire et, en ce qui me concerne, de tas de souvenirs gravés, inoubliables. Nostalgie mise à part, près d'un quart de siècle plus tard, ces paroles sont toujours — voire sinon plus que jamais — d'actualité : le « monde libre » l'est toujours de moins en moins et l'amertume d'alors a cédé la place au désarroi le plus total. La nation de tous les espoirs est devenue celle de tous les désespoirs. Aujourd'hui plus personne n'envie l'Amérique qui sera sans doute le premier domino à tomber comme prévu dans l'agenda des Élites. À moins que les moutons ne sortent vite de leur transe (humance). Juste au cas où, mettez la sono à fond et reprenez ce refrain en chœur comme une incantation contre le mauvais coton qu'est en train de filer le monde libre : « KEEP ON ROCKIN' IN THE FREE WORLD ! »

Rockin' In The Free World

Il y a de la couleur dans la rue, du rouge, du blanc et du bleu,
Des gens qui trainent des pieds, d'autres qui dorment dans leurs pompes.
Mais il y a un avertissement droit devant,
Beaucoup disent qu'il vaudrait mieux que nous soyons morts.
Je ne me sens pas du tout comme Satan mais pour eux, c'est ce que je suis
Alors j'essaie d'oublier autant que possible.

Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre,
Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre,
Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre,
Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre.

Dans la nuit, je vois une femme tenant un bébé
Sous un vieux réverbère, à côté d'une poubelle
Elle abandonne son gosse pour aller s'injecter sa dose.
Elle hait sa vie et ce qu'elle en a fait.
Encore un môme qui n'ira jamais à l'école,
Qui ne tombera jamais amoureux et qui ne sera jamais cool.

Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre,
Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre,
Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre,
Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre.

Nous avons un millier de points lumineux pour les sans-abri
Des mitrailleuses plus sensibles,
Des grands magasins, du papier toilette
Et des emballages en polystyrène pour la couche d'ozone.
Nous avons un homme du peuple qui nous dit de garder espoir,
Du carburant à brûler et des routes à disposition.

Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre,
Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre,
Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre,
Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre.

Neil Young, 1989

À propos de cette chanson

Dans son livre, Shakey, Jimmy McDonough prétend que cette chanson aurait vu le jour en tournée, à la fin des années 80. Neil Young et Frank "Poncho" Sampedro auraient vu des photos dans les journaux de la dépouille de l'Ayatollah Khomeini conduit à sa tombe tandis que ses fidèles en deuil brûlaient des drapeaux américains dans la rue. Sampedro aurait alors fait la remarque que « quoi que nous fassions, nous devrions nous tenir à l'écart du Moyen-Orient. Nous avons plutôt intérêt à nous cantonner au monde libre. » Young aurait alors demandé à Sampedro s'il comptait se servir de cette idée pour écrire une chanson et quand il lui répondit que non, Young aurait déclaré qu'il allait le faire. Il faut toutefois noter que la mort de Khomeini est ultérieure à la première prestation scénique de ce morceau.

Les paroles dénoncent l'administration de George H. W. Bush en place depuis seulement un mois et les problèmes sociaux de la vie américaine contemporaine avec une allusion directe au fameux « millier de points lumineux » de Bush dans son discours d'accession à la présidence en 1989 et à sa promesse d'une Amérique qui allait devenir une « nation humaine et compatissante »1 lors de sa campagne électorale de 1988. Malgré tout, cette chanson est devenue l'hymne de facto de l'effondrement du communisme (particulièrement la tombée du mur de Berlin qui survint un mois après la sortie de l'album) à cause de son refrain scandé « Keep on rockin' in the free world »2.

Une version abrégée de ce morceau figure au générique de fin du film de Michael Moore, Fahrenheit 9/11. Le couplet sur l'enfant abandonné « Encore un môme qui n'ira jamais à l'école, qui ne tombera jamais amoureux et qui ne sera jamais cool » est utilisé, dans le film, en référence à un jeune soldat américain tué en Irak.

Notes et références

  1. ^ « Kindler, gentler » : expression reprise pour les mitraillettes dans le dernier couplet mais qu'il était impossible de traduire de la même manière en français.
  2. ^ Que j'ai choisi de traduire par « Je continue de rouler ma bosse dans le monde libre » dans le contexte de cette chanson mais il est évident que le jeu de mots avec « faire du rock », « balancer » ou « secouer » est impossible à restituer en français.

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