Bananée 2015

Bananée à tous ! Nous y voilà, plus que jamais, à patauger dans le chocolat amer — noir, blanc, au lait, riche en cacao ou pas, qu'importe : nous sommes tous embarqués bon gré mal gré dans cette croisière infernale sans retour, affrétée par la Transglobal Banana Corp., celle-là même qui nous mène en galère depuis des temps immémoriaux. Du coup, il nous ferait presque marrer ce bon vieux Noé avec son arche.

Animaux — nous sommes des animaux
Nous achetons quand le sang coule dans les rues.
Incontrôlables — nous sommes incontrôlables,
Nous écrasons tous ceux qui se jettent à nos pieds en nous implorant.

"Animals", Muse (2012)

Tutti frutti

Bonnes poires blettes mi-figue mi-raisin qui n'ont pas la pêche ; vieilles noix desséchées qui ramènent leur fraise à tout va dans le vain espoir d'écouler leurs salades de fruits pas jolies jolies ; grenades du terroir hypochloritées1 qui ne comptent pas pour des prunes mais surtout tirer les marrons du feu tricolore pressé à l'orange ; et enfin, pruneaux à jeun déconfits, hauts comme trois pommes, qui, eux, l'ont la banane et n'hésitent pas à la peler et à en semer la peau comme le Petit Poucet (et non E.T.) pour retourner maison. Et il y en a même que ça rend complètement bananes2. De quoi avoir les guiboles en compote et risquer encore de tomber dans les pommes à se démener comme ça.

Ô champs élisez !
Ô champs élisez !
Tous pareils, tous pourris,
Tous ces fruits, tous ces partis.
Vous aurez tous ce que vous méritez,
Ô champs élisez !

Et en dépit de toutes ces singeries, imaginez la déconfiture si jamais tout partait à nouveau en cacahuète. Il faut dire que certains se sont tellement pris le melon que leur tête est désormais enflée comme une pastèque et que, forcément, il y a risque de se paqueter la fraise3 sous l'effet de la fermentation alcoolique et de finir bourrés comme des coings (car, les bougres, ils savent qu'il vaut mieux éviter de trop respirer le bon air saturé de leurs trainées chimiques insalubres).

Banana Split

Le chien n'aime pas la banane et il ne veut pas que la poule en mange.

Proverbe

En attendant, les légumes que nous sommes en ont ras la banane de se faire chanter la pomme4 ou presser le citron par ces fruits véreux qui n'en fichent pas une datte et passent leur temps à se péter la cerise les uns aux autres, c'est-à-dire à se coller des châtaignes ou des pêches dans la poire tout en en profitant pour faire leur beurre (de cacao) avec leurs combines juteuses à la noix et sans jamais manquer de se sucrer honteusement au passage au lieu de couper la poire en deux et redistribuer, de façon équitable, la tambouille populaire à l'oseille tout en faisant fructifier nos radis et nos patates comme tout bon chef qui se respecte se doit. Comme dirait un certain Doc un peu trop chanvré, « Yo mes frères, allez plutôt cueillir la fraise5 au lieu de vous balancer des marrons glacés ».

Banane flambée

Mais justement le R.E.S.P.E.C.T. comme le chantait Aretha6, ma bonne dame, il y a belle lurette qu'il n'y en a plus. Plus précisément, depuis que le ver a investi le fruit — un sacré bon investissement, d'ailleurs, qui porte bien les siens. Et on a beau s'en douter, on se fait pourtant avoir à chaque fois. Normal, c'est dans nos gènes. C'est qu'Adam, notre ancêtre à tous, fut le tout premier à se faire bananer7. Et ça, ça nous restera toujours en travers de la gorge. Je veux parler de la fameuse pomme bien sûr — enfin pas si fameuse que cela au vu de tous les pesticides et autres molécules douteuses tout droit sortis des labos souterrains de Monsatan dont elle a été copieusement arrosée. On aura beau se saigner à manger bio, on sera quand même tous marron (biohazard) puisqu'une seule banane suffit à pourrir tout un régime (oui, je sais on parlait de pommes et non de bananes mais c'est quand même bien à cause de sa banane qu'Adam a voulu croquer la pomme).

Ô compagnie bananière,
Nous aimerions tant vous croire,
Mais comme tout est sous terre
Il faut d'abord que nous creusions.

"Banana Co.", Radiohead (1993)

Banoffee pie8

OK, le caramel, ça colle à la cuillère c'est sûr mais on peut toujours s'en dépatouiller en la plongeant dans l'eau bouillante. Sinon, le caramel (mou surtout), il n'y a pas mieux pour déposer les plombages et autant dire que chez nous, au royaume des confiseurs, il y a matière à défraiser. Mais surtout, il est scientifiquement prouvé que lorsque l'on prive le candida de sucre, il meurt. Et pour sûr, cette saleté d'addiction à la poudre finira par leur porter la cerise et nous la mettre sur le gâteau. Comme on dit au Sénégal, « tout a une fin, sauf la banane qui en a deux ». À nous de choisir le bon bout.

Ce qui différencie totalement un régime de bananes d’un régime totalitaire c’est que le premier est alimentaire et débonnaire alors que le second est autoritaire et arbitraire.

Pierre Dac

Notes et références

  1. ^ Hypochlorite de sodium : eau de Javel.
  2. ^ « To drive somebody bananas » : rendre fou.
  3. ^ Expression québécoise pour s’enivrer.
  4. ^ Expression québécoise pour se faire flatter ou courtiser.
  5. ^ Faire l'amour.
  6. ^  "Respect", Aretha Franklin (1967).
  7. ^ Se faire entuber.
  8. ^ Pâtisserie anglaise à base de banane, crème et caramel déposés sur un fond de crumble de biscuits secs.

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