On n'attire pas forcément à soi ce que l'on est

Nul besoin de regarder les émissions de télé-(ir)réalité ni de fréquenter les réseaux (a)sociaux pour se rendre compte que même si l'excès de vanité ne tue pas, il nuit gravement à la santé mentale. « Tu t'en fous, c'est pas ton problème » me direz-vous. Et bien si, justement, c'est mon problème ! Parce que je n'arrête pas d'attirer dans ma vie ce genre de personnes qui, dès que je les perce à jour en leur disant NON/STOP, tentent aussitôt de me rabaisser en me traitant de prétentieuse et de me causer du tort en répandant des rumeurs insidieuses sur mon compte. Alors d'abord pourquoi se ruent-elles toujours sur moi comme de grosses mouches à m***e et pas sur une autre ? Et puis pourquoi leur ego hypertrophié me dérange-t-il autant ? Serais-je dans le déni quelque part ? Serait-ce parce qu'elles sont le reflet de quelque chose en moi que je ne m'autorise pas à regarder en face — en gros parce ce que je leur ressemble ? C'est du moins ce qu'auraient tendance à affirmer certains éminents spécialistes en psychologie.

« C'est ça, t'as tout compris ! » Voilà, en tout cas, ce que me diront tous les faux derches et ceux qui ne m'aiment que lorsque je touche le fond — là où je ne risque ni de leur faire de l'ombre ni de les rejeter, ce que tout individu « normal », un tant soi peu conscient de sa propre valeur et de la nature vampirique de ces gens, ne se grattera pas de faire, en toute légitimité et sans culpabiliser le moins du monde. Pas comme moi, quoi !

Si trop d'égo fait bobo, pas assez rend névrosé

J'ai provoqué un éboulement
Dans mon ego :
J'ai observé du dehors
Le monde que j'ai laissé derrière moi.

"A Day Without Me", U2 (1980)

En réalité, je crois que rien n'est plus éloigné de la vérité. Et puis, si tel était le cas, je ne serais pas en train d'écrire ce billet dans lequel j'expose certaines de mes blessures et faiblesses qui n'ont décidément rien de très « glamour ». Donc si j'attire les « gros egos », ce n'est certainement pas parce qu'ils sont le reflet de ce que je suis tout en refusant de l'admettre, mais parce que, bien au contraire, ils sont l'exact opposé de ce que je ne suis pas : impudique, vulgaire et arrogante. Comme on dit, les contraires s'attirent comme des aimants.

Ces personnes me piquent au vif parce qu'elles ont le culot de se vanter de qualités qu'elles n'ont pas mais que moi j'ai et que je n'ose afficher sans doute de peur de me surestimer ou de devoir m'assumer, de ne plus avoir le droit à l'erreur après m'être exposée. Et ça, ça fait mal à mon ego. Un peu comme s'il me disait sur un ton de reproche : « Tu vois, si tu m'autorisais un peu plus souvent à sortir, je pourrais t'emmener dans des tas d'endroits où tu n'oseras jamais aller seule parce qu'ils se trouvent tous hors de ta zone de confort ». Au final si trop d'ego fait bobo, pas assez rend névrosé.

Le parcours du combattant

Nous sommes des pommes pourries,
Des marchandises avariées.
Que diable, nous n'avons plus rien à perdre :
Une simple bourrasque suffirait sûrement
À nous réduire en miettes.
Nous errons à la dérive...

"Backdrifts", Radiohead (2003)

Sans trop entrer dans les détails personnels, je n'ai pas été élevée dans le culte de la personnalité loin de là, mais plutôt par des parents qui ont reproduit le schéma qu'on leur a inculqué en y ajoutant leur touche personnelle héritée de leur vécu. Je ne juge pas, je ne blâme pas (du moins j'essaie) mais les chiens ne font pas des chats comme on dit. Ce que je veux dire par là, c'est que des parents jouissant d'une estime normale d'eux-mêmes auront peu de risque d'engendrer des enfants complexés.

Enfant, j'ai donc en plus souffert d'un handicap physique qui n'a pu être « réparé » que vers le milieu de l'adolescence et qui n'a fait qu'accentuer mon isolement et mon introversion. Parallèlement à cela — je n'en avais pas conscience alors — il se trouve que j'étais loin d'être le vilain petit canard que je pensais être, que j'étais du genre futée voire douée pour tout ce que j'entreprenais, et férocement indépendante aussi — ce que mon entourage m'a fait payer comme s'il s'agissait d'un crime, d'une effronterie impardonnable. Surtout et majoritairement les autres filles (ce qui n'a guère changé depuis sauf qu'aujourd'hui cela ne m'atteint plus autant car j'ai appris à m'aimer un peu plus).

N'affichant aucune « tare » particulière à mon tableau d'honneur (telle la vanité, la cupidité, la paresse, la méchanceté ou je-ne-sais-quel autre pêché capital), on a essayé contre moi la panoplie complète d'armes basses en tout genre dont sont capables les êtres humains entre eux : racontars, médisance, procès d'intention, mise à l'écart, manipulation, culpabilisation, humiliation et même provocation. Jamais de violence physique fort heureusement. Car dans l'instinct de la ruche, tout ce qui déborde des cases ou n'y entre pas compromet la pérennité de la chaîne de production et doit donc être mis au rebut, détruit.

Bas les pattes, bas les masques

Et les gens oublient —
Ils oublient qu'ils se cachent
Derrière une façade éminente.
Une façade éminente
Qui n'est que du flan.

"Eminence Front", The Who (1982)

Comment je m'en suis sortie ? Je l'ignore. Sans doute qu'au fond, j'avais une plus grande force de caractère que mon hypersensibilité pouvait laisser supposer. Comme dit le proverbe, « il faut se méfier de l'eau qui dort » (que je préfère en anglais car il implique une idée de profondeur1). Ce n'est, en tout cas, certainement pas grâce à mes rares « amis » qui ne se sont jamais mouillés pour me défendre. Et puis, la technologie n'était pas aussi développée qu'elle l'est aujourd'hui pour répandre son venin et creuser les tombes : pas d'internet, de débilophones ni de zoos sociaux. Sans doute ai-je eu la chance de naitre avant l'ère du geek et de la Tare Academy ?

Au final, ce qui m'a le plus aidée est le complexe engendré de l'idée que ma surdité puisse me faire passer pour une idiote. Plus que tout autre chose, cela m'a motivée à faire en sorte de toujours donner le meilleur de moi-même partout, même dans les domaines où ne pas bien entendre pouvait s'avérer un sérieux frein. Cela ne m'a donc nullement empêchée d'exceller dans l'apprentissage des langues étrangères ni d'être l'une des rares à savoir chanter juste ou de faire du théâtre en assurant le rôle principal. Comme si, inconsciemment, j'avais découvert le meilleur moyen de me venger de ces pestes à l'ego torturé. Car au final, tout ce résume encore et toujours à l'ego, non ?

Oui à la différence, non à l'indifférence

Le monde est mort à ce qu'il paraît,
Je n'ai aucun remord à t'y emmener.
Et nous n'avons plus de temps à perdre :
On restera libres de résister.

"Black City Parade", Indochine (2013)

En conclusion : on n'attire pas forcément à soi ce que l'on est mais ce qui nous oblige à affirmer notre différence pour rétablir l'équilibre des forces dans ce bas monde. N'ayez plus honte d'être considérés comme des rebuts, soyez au contraire fiers de votre non conformité. Réjouissez-vous toujours de l'amour qu'on vous porte sans vous laisser, pour autant, affecter par la haine que vous ne manquerez pas de susciter. Car ce n'est pas la haine qui est l'opposé de l'amour mais l'indifférence. Celui qui peut éprouver la haine restera toujours capable d'éprouver l'amour. Celui qui n'éprouve rien est déjà mort même si son cœur bat. Oui à la différence, non à l'indifférence. Bravez l'interdit ou bien conformez-vous et mourrez de votre vivant.

Notes et références

  1. ^ « Still waters run deep » : littéralement « les eaux calmes sont profondes ».

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