Inconnu

Je sais qu'avec toutes les « vieilleries » (oui mais savoureuses) que je vous sers régulièrement dans cette rubrique, vous devez vous dire que je suis une incorrigible nostalgique. En fait, rien n'est plus faux. Du moins, aujourd'hui où j'ai finalement compris (non sans douleur) que le passé n'était pas plus réel que l'avenir, son seul intérêt à subsister dans nos mémoires résidant dans les enseignements et l'inspiration qu'il peut nous apporter au présent ; les souvenirs heureux servant à raviver la chaleur dans la froideur temporaire du moment comme il est notamment question dans les paroles de cette chanson que je vous ai traduites — à la base, un véritable défi (trilingue) pour moi sachant que je n'avais pas pratiqué l'espagnol depuis le lycée (des années-lumière).

Tomas Batista, son talentueux auteur-interprète, est un jeune musicien argentin, originaire d’Ushuaïa, en Terre de Feu, installé à Buenos Aires où il compose également des « panoramas sonores » pour jeux vidéo — un gros coup de cœur artistique même si pas vraiment dans le style que j'affectionne habituellement. Qu'importe, pour moi la musique est avant tout une source d'inspiration et d'émotion — du baume à l'âme ne pouvant fonctionner que dans l'authenticité. J'avoue avoir été totalement bluffée puis envoûtée par la manière dont il s'est littéralement approprié le "House Of Cards" de Radiohead à tel point que je suis désormais incapable d'écouter une version sans penser à l'autre. « Je suis en perpétuelle quête de nouvelles sonorités et d'histoires à raconter », explique-t-il sur les diverses plateformes multimédia où il a déposé ses compositions. « J'aime pouvoir exprimer ce que je ressens à travers la musique. Je n'embrasse pas un genre musical particulier, j'embrasse la musique elle-même. »

Desconocido

La chaleur émanant du froid
Une lettre non lue
Un panneau indiquant le chemin
Ou un regard en arrière

Des gestes perdus passés inaperçus
Des leçons non apprises
Un potentiel dormant à exploiter
Pour qui le souhaite

Une parole non tenue
Un ange de papier
Des questions jamais maitrisées
Laissées en souffrance

Un pays manifestant en silence
Des histoires non dites
Des excuses qui nous mettent toujours
À nu devant le miroir

Vous trouverez tout cela au fond de vous
Une cité pleine de secrets

Une bête endormie
Qui attend son heure
Et que retient notre effort
De ne pas disparaitre

Le bruit de l'arbre qui tombe
Des milliers de détails que l'on ignore
Des étoiles qui naissent et meurent dans la nuit
Tandis que le mensonge travestit la réalité

Vous trouverez tout cela au fond de vous
Une cité pleine de secrets

Tomas Batista, 2013

À propos de cette chanson

À l'instar de tous les autres titres figurant sur son premier album Claroscuro, entièrement autoproduit et disponible, depuis mai 2013, sur diverses boutiques en ligne (Amazon, iTunes, Spotify, Soundcloud, Bandcamp...), "Desconocido" est une collection d'images, de souvenirs et de sentiments très personnels. Comme l'avoue Tomas, « chaque morceau est une petite parcelle de ce que je suis à 100% », ajoutant que, pour chacun d'entre eux, il essaie de donner le meilleur de lui-même. « Je ne sortirai jamais un titre si j'estime qu'il ne me ressemble pas. C'est le cas également pour les reprises. Ces morceaux comportent plusieurs niveaux et possibilités comme les dimensions dans la réalité. »

Si j'ai choisi celui-ci en particulier, c'est sans doute parce qu'il se rapproche musicalement de ce que je préfère mais pas uniquement. Il émane de cet assemblage poétique quelque peu disparate de souvenirs, sentiments, regrets, attentes et non-dits que chacun « trouvera au fond de soi », une grande lucidité non dénuée d'espoir qui nous rappelle notre humanité, ses forces, ses faiblesses et surtout notre interconnexion à l'univers, à la nature et aux êtres.

Pour le passage où il est question de « gestes perdus passés inaperçus » que je ne saisissais pas bien, Tomas explique qu'il faisait référence à une rencontre faite dans un bus, quelques années auparavant. « J'étais triste et en proie à la mélancolie. Il pleuvait. Et soudain, mes yeux se sont portés sur cette petite fille qui voyageait avec son père. Je pense qu'elle devait avoir dans les cinq ans. Elle m'a regardé avec de grands yeux bien éveillés et moi aussi. Cela a duré un petit moment puis elle m'a souri. C'est là où elle et son père sont descendus du bus. Je n'ai donc pas pu lui rendre ce sourire. Je l'ai fait mais c'était trop tard. Elle ne l'a jamais vu. Par ce geste, je voulais lui dire merci. »

Si vous aimez cette chanson, je vous invite à laisser un commentaire au bas de ce billet. Cela ne manquera pas de lui faire plaisir (et au besoin je traduirai). Mais surtout allez écouter le reste de son album sur Bandcamp (la plateforme inaugurée par Thom Yorke, en septembre dernier, en y publiant son dernier album solo). Les influences de Claroscuro vont du folklore méridional argentin à la musique instrumentale progressive en passant par le rock alternatif. Et si le tout vous plait (moi, j'adore !), téléchargez-le en lui versant la somme que vous voudrez. Un autre opus dans des sonorités plus rock est en préparation et devrait être disponible dans les semaines à venir. Nul doute que je vous en reparlerai. En attendant, vous pouvez aussi écouter sa reprise de "House Of Cards" qui ne figure sur aucun album mais que vous trouverez sous la liste des billets récents à droite ou ICI. Ou encore celle de "All I Need" (de Radiohead également) republiée sur la page Facebook de Jonny Greenwood.

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