Monsanto déjoue la résistance au transgénisme

Comment les grosses sociétés agricoles s'y prennent-elles pour tenter de changer l'opposition aux organismes génétiquement modifiés ? Tout simplement en modifiant la technologie. Elles se contentent d'exécuter des pirouettes autour des termes techniques utilisés pour définir la manière dont un gène a été altéré afin de se faufiler au travers des failles d'une agence gouvernementale et ainsi déployer cette nouvelle technologie sur les masses qui ne se doutent de rien — du moins, jusqu'à ce que les tectoniques en perpétuelle fluctuation de l'industrie transgénique soient une nouvelle fois révélées.

Le système CRISPR (courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées) est la dernière trouvaille en date du secteur biotechnologique pour tenter de nous embrouiller. Certes les ennemis purs et durs de Monsanto-Bayer ne s'y laisseront sans doute pas prendre, ce qui risque bien de ne pas être le cas de ceux qui tendent à accueillir aveuglément et à bras ouverts les nouvelles technologies au nom de leur soutien à la « science ».

Comment fonctionne le CRISPR

Voici comment l'industrie tente de contourner l’étiquetage des OGM tout en continuant à  vous refourguer, à vous et à votre famille, des plantes altérées de manière synthétique à partir de semences brevetées.

Alors même que la fusion entre les firmes Bayer et Monsanto fait la une de tous les sites internet, Monsanto s'est subrepticement emparé des droits de permis d'une technologie développée par le Broad Institute (centre de recherche biomédicale et génomique basé à Cambridge, dans l'état du Massachusetts) à l'origine de cultures CRISPR (DuPont Pioneer collabore avec une autre société travaillant sur la même technologie).

Comme le système CRISPR se contente de « manipuler » un gène dans une plante — à ne pas confondre avec l'hybridation classique pratiquée par les cultures indigènes depuis des siècles — au lieu de l'altérer par l'adjonction de gènes « étrangers », les législateurs n'ont donc pas lieu d’étiqueter les produits alimentaires issus de cette technologie comme OGM. Ce qui, à première vue, ressemble fort à une tentative de couper les cheveux en quatre.

Ce que nous dirait un biologiste moléculaire est qu'en éditant l'ADN, ils « sont en mesure d'envoyer des protéines afin de préciser les cibles ADN pour activer ou désactiver des gènes voire même élaborer des circuits biologiques complets — dans l'objectif à long terme de comprendre les systèmes cellulaires et la maladie ».

Le désastre du CRISPR

Comme nous l'avons déjà vu avec les précédentes technologies transgéniques, les caractères destinés à être contrôlés dans une plante — comme une toxine Bt, par exemple, censée ne tuer que les « insectes nuisibles » qui consomment ces plants génétiquement modifiés empoisonnés au Bt, exposent l'environnement et la santé à toute une série de dangers supplémentaires. Ce n'est que par la suite qu'il a été prouvé que la toxine Bt était également nocive pour les mammifères, APRÈS que des cultures Bt aient été plantées sur des milliers d'hectares de terres. En premier lieu, on est en droit de se demander pourquoi des scientifiques n'ont eu aucun problème à insérer un pesticide à l'intérieur d'une plante mais cette question devrait faire l'objet d'un autre débat.

Avec les technologies basées sur le système CRISPR, on peut s'attendre à la même éventualité. Les cibles ADN peuvent être manquées et des modifications génétiques s'ensuivre qui ne seront peut-être pas visibles avant plusieurs générations.

Le CRISPR fonctionne à l'aide d'une enzyme, la Cas9 qui se sert d'une molécule d'ARN pour la piloter jusqu'à sa cible ADN avant de manipuler cette dernière dans le but d'interrompre certains gènes ou d'insérer des séquences voulues. C'est une opération si peu coûteuse à réaliser en laboratoire qu'il serait possible de commander un kit pour 30 dollars et d'éditer les gènes soi-même. Une « démocratisation » de la manipulation génétique qui ouvre aussi la boite de Pandore à d'autres problèmes éventuels.

Selon la terminologie transgénique, le CRISPR serait le plus grand « changeur de donne », pourtant les créateurs et usagers de cette technologie ne veulent pas qu'on la qualifie de « transgénique ». On la présente également comme peu coûteuse et plus facile à utiliser que ces prédécesseuses. Ce qui nous amène à nous poser la question de savoir — qu'étant donné que quasiment n'importe quelle séquence ADN peut être altérée même chez les humains — qui décide quel ADN est conservé et quel ADN est modifié ? Ceux qui y voient encore clair se demandent déjà si la vitesse affolante à laquelle le CRISPR est appliqué répond véritablement aux préoccupations d'ordre éthique et sécuritaire que peuvent susciter de telles expérimentations. Ces manipulations génomiques potentiellement à risque pourraient perturber tout un écosystème. Alors, même si  cette technologie est « simple » en milieu fermé, — à l'instar des autres manipulations génétiques — les scientifiques ne savent pas vraiment ce qu'il en adviendra une fois qu'elle sera lâchée dans la nature.

Malgré ces inquiétudes, les cultures transgéniques CRISPR contourneraient les réglementations concernant la sécurité biologique en se contentant d'éradiquer certains gènes d'une plante sans lui adjoindre le moindre ADN étranger.

Compte tenu que nous ne savons pas à quoi sert tout notre ADN et que l'on en est encore à en qualifier la majeure partie d'ADN « poubelle », pensons-nous vraiment que les scientifiques embarqués dans ce tourbillon biotechnique soient suffisamment avisés pour prévoir quels gènes modifiés risquent d'altérer un génome de manière si irrévocable qu'un animal ou une plante et tous ceux qui y sont rattachés dans une chaîne alimentaire ou un écosystème ne subiront pas d'incidence négative ?

Certes, les législateurs ne semblent pas s'en soucier — mais sachez bien que même si vous ne consommez pas d'organismes génétiquement modifiés, vous en consommerez des génétiquement manipulés sans qu'on n'en parle le moins du monde.

Texte original de CHRISTINA SARICH traduit de l'anglais par EY@EL
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