Dix minutes

Il y a quatre ans, Gaellah a créé un blog appelé Concours où elle lance de petits défis littéraires : écrire une histoire courte à partir d'un thème donné et le privilège d'avoir peut-être la première place sur le podium pour le récit sélectionné par ses soins. Malheureusement, son projet est plus ou moins à l'abandon faute de participants et surtout d'exposition suffisante. Comme son idée m'a plu, j'ai décidé de me prêter au jeu, non pas pour participer officiellement mais juste pour m'amuser et voir si j'allais arriver à quelque chose. Parce que croyez-moi, c'est moins facile quand on se retrouve devant une page blanche sans la moindre idée de ce que l'on va écrire. Dans ce cas précis, l'histoire m'a littéralement traversée. Je n'avais absolument pas l'intention d'aller dans cette direction mais je n'ai pas choisi : les personnages se sont mis à parler tout seuls et je n'ai pas eu d'autre choix que de les suivre. Je m'excuse auprès de Gaellah si j'ai un peu détourné le thème (10 minutes pour faire ses valises et fuir un danger) mais comme je me positionne hors concours, je pense que cela n'a pas une grande importance. Et puis, qui sait si l'histoire avait été plus longue (oui, pour une fois, j'ai fait très court), mon personnage dont je ne connais même pas le nom aurait peut-être emmené la valise ? À vous d'imaginer la suite et de me dire. C'est un peu le but de la manœuvre : déverrouiller l'imagination de chacun.

♦ ♦ ♦

Dix minutes. C'était le temps qu'il lui restait pour tout fourrer dans la valise et mettre les bouts. Dix putain de minutes avec le palpitant qui se tapait un pogo dans le carburateur et les genoux qui jouaient des castagnettes.

« Dix minutes, je n'y arriverai jamais. Bordel, c'est mort !

— Non, ça c'est si tu ne te bouges pas le cul et restes planté-là, tétanisé, à attendre qu'on vienne te refroidir.

— N'empêche que c'est chaud... Marrant, le chaud avant le froid. Se faire fumer pour finir au congel, tu parles d'une équation. To be or not to be.

— Bouge-toi, merde ! C'est pas le moment de philosopher sur les ironies du langage.

— Quoi, t'aimes pas Shakespeare ?

— Non, mais le chat qu'expire, ça pourrait bien être toi si tu ne t'actives pas.

— Le chat du Cheshire, c'est mieux. Allez, où qu'elle est cette foutue valise qu'on en finisse ?

— Là, sur le bureau, à ta gauche. Tu devrais la voir. Tu déverrouilles le code et tu insères le dispositif en faisant gaffe à ne pas frôler les capteurs.

— Et si ça foire ?

— Ça ne peut pas. C'est notre unique chance, tu le sais.

— Qui ne dit mot consent.

— Ta gueule et fais-le ! »

Dix minutes pour jouer les héros et sauver l'humanité d'un cauchemar irréversible, c'était tout ce qu'il lui restait pour faire la différence. Il se sentit soudain investi d'une force nouvelle, presque surnaturelle, qu'il n'aurait jamais cru avoir en lui. Il allait sauver le monde et personne n'en saurait jamais rien. Mais c'était sans importance parce qu'à ce moment-là, il sentit que le monde et lui ne faisaient plus qu'un.

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Image couverture : radiuoz

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