Mon poumon d'acier

Oh, non, pas encore ces têtes de... transistor !!!! Que voulez-vous, ça m'inspire trop aussi je tapote mon clavier « là où ça me titille éternellement ». Va falloir vous y faire : le rock intelligent et sensible étant, somme toute, assez rare, voire carrément un oxymore (si si il faut l'admettre), on ne va pas cracher dans la potion magique. Et puis après les creeps, on vous avait promis des gaufres. Voici donc — avec Yorke qui fait beaucoup moins dans le pathos et l'auto-apitoiement habituel pour se lancer dans le coup de gueule intégral. En un mot : J'ADORE !

My Iron Lung

Engagement, tu m'éloignes
Chaque jour davantage
Sans le faire exprès
Mais ça fait un mal de chien

Mon cerveau m'informe que je suis en souffrance
Manque d'oxygène
De mon respirateur artificiel
Mon poumon d'acier

Nous sommes trop jeunes pour nous endormir
Trop cyniques pour parler
Ne voyez-vous pas
Que ça nous fait flipper ?

Nous grattons là où ça nous démange éternellement
Cette saloperie de vingtième siècle
Et nous nous estimons heureux de
Notre poumon d'acier

Les psys, ils veulent tout savoir
Sur mon oculus, ma borne clignotante

Sucez, sucez vos pouces d'ados très cons
À qui on a appris à aller sur le pot
Quand il n'y aura plus de jus
On se contentera de fredonner

Ceci est notre nouvelle chanson
Une pure perte de temps
Tout comme la précédente
Mon poumon d'acier

Les psys, ils veulent tout savoir
Sur mon oculus, ma borne clignotante

Et si vous avez peur
Vous pouvez, en effet
Vous pouvez, c'est normal

Les psys, ils veulent tout savoir
Sur mon oculus, ma borne clignotante

Thom Yorke, 1994

À propos de cette chanson

Sorti tout d'abord sous forme d'un mini album du même nom, en octobre 1994, puis sur l'album The Bends l'année suivante, "My Iron Lung" a, en fait, été enregistré en public au cours du concert filmé à Londres pour la vidéo Live at The Astoria (un p****n de bon concert !) où seules les parties vocales ont été refaites en studio. Loin du succès commercial inégalé de "Creep", il ne s'est hissé péniblement qu'à la 24e place des charts britanniques et s'est vu carrément ignorer par les radios américaines et MTV, ce qui n'a guère dû surprendre le groupe.

« Il fallait tout faire péter, on n'avait pas le choix » déclarait Thom Yorke à propos de la nature schizophrène de cette chanson qui donne la sensation d'osciller entre deux morceaux imbriqués se succédant l'un l'autre. Pourtant "My Iron Lung" n'est pas sans rappeler "Creep" à sa manière d’enchaîner la mélodie des couplets aux déflagrations explosives des refrains, à l'image même des émotions contradictoires qui animaient, à l'époque, les cinq musiciens aux prises avec les contraintes restrictives de leur célébrité inattendue — le choc brutal du passage du fantasme de la rockstar à la réalité moins glorieuse du show-biz.

Introspectif, lucide et caustique à souhait, ce morceau-défouloir écrit pendant la tournée anglaise de 1993 (et qui aurait très bien pu s'appeler "Mon Boulet") constitue donc, en quelque sorte, la piqûre d'adrénaline rédemptrice après le choc anaphylactique de "Creep" qui avait transformé la tête radiophonique en juke-box humain (rien d'étonnant non plus avec un nom pareil). Épuisé physiquement et nerveusement par les tournées incessantes et le harcèlement médiatique, voire carrément au bord de la dépression, Yorke y exorcise ses tourments et en profite pour régler ses comptes avec tout le monde.

« Le poumon d'acier » explique-t-il, « est un respirateur artificiel qui servait aux patients atteints de la polio dans les années 50. On les enfermait dans ces grosses boîtes métalliques dans lesquelles on ne pouvait bouger que la tête et ils vivaient ainsi pour le restant de leurs jours. » Référence métaphorique évidente à "Creep" qui lui permet à la fois de vivre et l'étouffe littéralement : « Ceci est notre nouvelle chanson, une pure perte de temps, tout comme la précédente, mon poumon d'acier. »

À noter que les psys évoqués dans le refrain font probablement référence aux médias qui ont dû, j'imagine, le gonfler à lui poser toujours la sempiternelle question de curiosité plutôt malsaine et carrément indélicate : « Mais qu'avez-vous donc là à votre œil1 ? ». De la pâte à Creep, tiens, pardi !

Notes et références

  1. Thom Yorke souffre d'un problème de paralysie congénitale de la paupière qui donne l'impression qu'il « clignote ». Pour info, les bornes Belisha auxquelles il fait allusion sont des globes orange clignotants sur des poteaux peints en noir et blanc, placés de part et d'autre des passages piétons au Royaume-Uni. L'oculus, par contre, est un paronyme de subtitution pour le « Tonton Bill » (traduction littérale), stéréotype du pervers pédophile à l’œil exorbité — un idiotisme intraduisible en français (pour les définitions linguistiques voir le billet "Idiotisme et idiocratie").

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