Résolutions damnées

C'est la fin, mes amis comme le chantait Jim Morrison — la dernière session de l'année du projet Eklabugs. Non, rassurez-vous pas la der des ders (du moins, je l'espère). Ceci dit, à force de verser dans la générosité inconditionnelle, on a un peu tendance à oublier ses propres limites et de fait, quand le bol finit inévitablement par déborder, c'est souvent le ras-de-marée (mais trop, c'est trop). Car à moins d'avoir défoncé la vitrine d'un marchand de miroirs, les impondérables n'ont rien de systématique ni de perdurable. Les excuses à répétition, par contre, se terminent toujours en regrets éternels et jamais en repos ni en paix. Alors méfiez vous de l'eau qui dort. Réchauffement climatique oblige, la glace pourrait rompre à tout instant.

Que ta volonté soit feinte

L'homme faible, toujours vacillant dans ses volontés, change à chaque instant de résolution. Il est le jouet perpétuel de ceux qui ont pris de l'empire sur son esprit, et même souvent de ceux qui lui sont étrangers.

Jean-Claude Delamétherie, De l'homme considéré moralement

Le sujet retenu tombe donc bien à propos puisqu'il porte sur les bonnes résolutions. Celles qu'une coutume masochiste veut que l'on prenne en début d'année, encore sous le coup de l'euphorie passagère des petites bulles dorées et de l'ambiance bisounours, pisse & love (effet diurétique). Puis arrive la gueule de bois du lendemain, suivie de la gueule enfarinée du retour à la réalité pour finir avec la gueule tout court dès que l'on réalise que l'on n'est, finalement, ni Superman ni Wonder Woman ni une version hermaphrodite des deux. Et de résolution en involution, on finit par demander l'absolution. Ainsi soit-il, amen.

Selon Wikipédia, « en 2007, une étude menée par Richard Wiseman de l’Université de Bristol impliquant 3000 personnes a montré que 88% des résolutions de la nouvelle année échouaient. Concernant le taux de succès, il serait amélioré sensiblement lorsque les résolutions sont rendues publiques et qu'elles obtiennent le soutien des amis. Néanmoins, il est insensé d'essayer d'arrêter de fumer, de perdre du poids, de nettoyer son appartement et d'arrêter de boire du vin au cours du même mois : la volonté est une ressource mentale extrêmement limitée qui se travaille progressivement comme la musculation. »

Vouloir et pouvoir

La résolution est la hache d'abordage de la volonté.

Jean Louis Auguste Commerson, Petite encyclopédie bouffonne

Bien que la définition qui nous intéresse touche à la prise de décision d'un acte de volonté conscient d'agir sur certaines de nos entraves personnelles ou subies, il est intéressant de noter que dans résolution, il y a « solution » et que ce terme s'emploie également pour « dissoudre » un problème, le réduire en le décomposant. En musique, on parle de résolution d'une dissonance lorsque l'on joue un accord consonant y mettant fin et dont l'oreille attend la terminaison. Les résolutions seraient-elles donc un outil dont dispose le mental pour mettre fin aux dissonances cognitives dont la Matrice sociale en fait sciemment le jouet ?

Pour rappel, une dissonance cognitive se produit lorsque la réalité ou les faits entrent en contradiction avec nos croyances, ce qui engendre un inconfort psychologique que l'on cherche à réduire (dissolution). Mais lorsque les croyances sont profondément ancrées, nous mettons en place des processus psychologiques inconscients visant à protéger ces dernières face à une réalité qui dérange. Cela peut aller de la minimisation jusqu'à l'occultation conduisant à une réinterprétation du réel. « Les croyances collectivement partagées sont prises pour des vérités indiscutables par tous, donc elles sont indiscutées. Même lorsque les faits démentent ces croyances, il vous faudra beaucoup de courage, d’abnégation et de détermination pour vous faire entendre et vous faire comprendre, surtout lorsque ces croyances infondées sont universellement partagées dans une communauté. » (Source)

Par conséquent, partant du postulat que la volonté désignerait le plus souvent « la faculté d'exercer un libre choix gouverné par la raison, autrement dit la faculté qu'a la raison de déterminer une action d'après des "normes" ou des principes » et que ces mêmes « normes » et principes sont assujettis au conditionnement matriciel à l'origine de toutes les dissonances cognitives que nous venons d'évoquer, inutile de se demander pourquoi nous échouons souvent dans nos désirs sincères de progresser.

Déminer son terrain d'avancement intérieur

Le coach de développement personnel, Laure Zanella, explique que la volonté seule ne suffit pas à atteindre nos buts parce que nous faisons bien souvent fi de la loi d'attraction : « Soit nous restons focalisés sur la réalité présente telle qu’elle est, émettant alors une vibration de "non accompli", ce qui continue à attirer à nous un non-accomplissement, ou alors, une part de nous ne croit pas vraiment pouvoir atteindre cet objectif qui nous tient à cœur, et nous nous projetons consciemment ou inconsciemment vers un échec ». Et lorsqu'il y a conflit entre la volonté et l'imagination, c'est toujours cette dernière qui remporte le bras de fer parce que, poursuit-elle « la volonté est issue d’un processus mental, alors que l’imagination travaille avec les émotions ».

« Ce qu’il est important de comprendre ici, » précise-t-elle, « c’est que le cerveau ne fait pas la différence entre ce qui est réel et imaginaire ».

En résumé, « le but du jeu est de se projeter, non pas à partir de votre position actuelle, mais à partir de la ligne d’arrivée, comme si elle était déjà franchie ! » (Source)

Yes, we can

Le plus difficile reste, cependant, de parvenir à se convaincre soi-même. Pour cela, inspirez-vous donc des menteurs professionnels. Et du fameux slogan de Barack Obama  directement recalqué sur le cri de ralliement du syndicaliste paysan latino, César Chávez, « Si se puede », dans les années 70. Comme quoi les mots n'ont de valeur que la véritable intention qu'on leur imprime. Le propre de la dissonance cognitive. Et ironie de l'arroseur arrosé, les électeurs américains désabusés l'ont finalement pris au mot en lui montrant que oui, effectivement ils pouvaient voter massivement pour le patient le plus atteint de leur asile de fous très select.

La Reine avait une seule méthode pour résoudre toutes les difficultés, petites ou grosses.
— Qu'on lui coupe la tête ! dit-elle sans même lever les yeux.

Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles

Ainsi sans queue ni tête, le monde n'ira plus dans le mauvais sens puisqu'il n'en aura plus aucun. Ma grande résolution pour 2017 ? Poursuivre sur ma lancée en continuant à emprunter tous les sens interdits et remonter l'autoroute de la connerie à contresens en me servant de mon doigt comme boussole (ou paratonnerre).

Projet EklaBugs #17

© La Pensine Mutine. Tous droits réservés. Reproduction interdite.

Partager :

Aucun commentaire:

À l'affiche

La panthère du lac

À l'approche d'Halloween, je comptais publier un article d'Alanna Ketler sur la symbolique véritable du chat noir que je m'...

Derniers articles

Formulaire de contact

Nom

E-mail *

Message *