Votre pain blanc quotidien est-il bon pour la santé ?

À la demande et au vu de l'intérêt suscité par les billets déjà publiés sur le blé et le gluten, un nouvel article tout fraîchement sorti du four d'une diététicienne qui vient apporter un peu de grain au moulin en nous expliquant pourquoi et comment le blé, autrefois un aliment hautement nutritif, est devenu un véritable fléau sanitaire avec tous les effets néfastes qu'on lui connaît. Un complément de taille aux informations précédentes et qui n'aurait pas fait plaisir à mon grand-père paternel qui était boulanger. Et si davantage de lecture vous tente, je vous conseille vivement cet autre article sur le site de Danysis : Le côté obscur des céréales.

Ey@el

On trouve du blé partout et dans tout. Et pas un seul magasin d'alimentation qui ne compte au minimum plusieurs allées remplies d'aliments en contenant !

Dans mon cabinet, il est intéressant d'observer les réactions des patients lorsque nous abordons le sujet du blé et que je leur conseille de l'éliminer de leur alimentation.

J'obtiens souvent des réponses du style :

« Je ne peux pas faire ça, je suis trop attaché à mon pain et puis toute la famille en mange ! » (addiction)

« Je ne pense vraiment pas avoir un souci avec le blé ! » (déni)

« Et si je réduisais mon apport et achetais du bio ? » (négociation)

Que se cache-t-il derrière ce produit et la consommation vorace qu'il suscite ?

Le pain blanc moelleux

Vous avez probablement été consommateur de ce genre de pain. Nous l'avons tous été à un moment donné de nos vies et bon nombre d'entre nous l'est encore ! Mais il est temps de regarder la réalité en face. Les pains blancs moelleux et les pâtisseries sont obtenus par une dénaturation du blé poussée à l'extrême sans question aucune quant à la compatibilité de ces éléments artificiels avec la santé humaine.

La production commerciale moderne de blé se devait de respecter certains critères comme un rendement accru, des coûts de production moindres et l'exploitation à grande échelle d'une matière première homogène. Une denrée synthétique lucrative et bon marché de plus pour nourrir les masses.

La triste réalité est que les gens se sont habitués à consommer ces produits de boulangerie industriels, gluants, dévitalisés et carencés en éléments nutritifs que l'on vend désormais en grande surface et n'ont guère souvenir du goût du vrai pain. Des conservateurs chimiques permettent le transport sur de longues distances et le maintien en rayon pendant plusieurs jours sans altération ni besoin de réfrigération.

A l'origine, la farine s'obtenait par la mouture des grains entre deux grandes pierres. Le produit fini — la farine de blé 100% complète moulue sur pierre — conservait tout ce qui était contenu dans le grain à savoir le germe, les fibres, l'amidon ainsi qu'une grande variété de vitamines et minéraux. Les meules n'étant pas assez rapides pour une production industrialisée, on utilise des moulins d'acier à haut débit qui éjectent le germe et le son. La température de ces machines dépasse les 200°C, ce qui a pour effet de détruire les nutriments vitaux et de faire rancir son et germe. Des dizaines de conservateurs et agents de conditionnement sont ajoutés à la pâte à pain d'aujourd'hui, ainsi que des ingrédients toxiques comme des huiles végétales partiellement hydrogénées et de la farine de soja.

Daniel Rold, Anthropology’s Insight into Health and Human Nutrition

Cultivé sur un sol fertile et bien nourri, le blé complet est riche en vitamines des complexes E et B, en sels minéraux dont le calcium et le fer, ainsi qu'en acides gras oméga-3. Une culture et une mouture appropriées sont donc nécessaires pour préserver ces nutriments et prévenir le rancissement. Malheureusement, en raison des excès de l'agriculture contemporaine, de nombreuses personnes sont devenues intolérantes voire allergiques à cette céréale nourrissante. Parmi lesdits excès figurent l'appauvrissement des sols par l'utilisation d'engrais chimiques, de pesticides et autres produits de laboratoire, la mouture à haute température, le raffinage et une préparation inadéquate telle que l'extrusion.

Jen Allbritton, Wheaty Indiscretions: What Happens to Wheat, from Seed to Storage – Weston A Price Foundation

Les pesticides utilisés agissent comme des xéno-œstrogènes, des œstrogènes étrangers perturbant l'équilibre hormonal et susceptibles de provoquer de nombreuses maladies. Le cycocel1 est une hormone de synthèse fréquemment accolée au blé. Ce à quoi s'ajoutent l'irradiation en vue de lutter contre les insectes et les manipulations génétiques pour obtenir les changements souhaités tels que le contrôle de la germination et un renforcement de la résistance au froid. La surchauffe entraîne également de graves problèmes en dénaturant la protéine contenue dans le grain.

Le pain complet

Vous êtes donc passé à autre chose, n'est-ce pas ? Le blé complet, c'est mieux. Non ? Les variétés commerciales sont toujours « moelleuses » à cause de tout le gluten et des additifs. Les pesticides restent présents dans le grain. Souvent, on utilise du caramel pour donner à ces pains la couleur foncée du « grain entier naturel » et masquer ainsi la qualité médiocre de ce produit transformé. Le germe et les fibres sont bien présents (du moins si votre boulanger est honnête et ne colore pas son pain artificiellement) mais cela ne suffit pas à en faire un aliment sain, loin de là !

Saviez-vous que le pain complet avait un indice glycémique plus élevé de 72 contre 59 pour le sucrose (sucre de table) ? Cela ne signifie pas que vous pouvez consommer du sucre à la place mais cela vous donne une idée de sa qualité diététique. Et pourquoi est-ce si important ? Plus le taux de glucose sanguin est élevé après consommation d'aliments à haute teneur glycémique, plus le taux d'insuline augmente entraînant un dépôt de graisse plus important. La régulation de la glycémie est l'une des fonctions de l'organisme qui requiert la participation du plus grand nombre d'éléments du métabolisme. Lorsque les apports alimentaires ne permettent pas de maintenir le taux de sucre sanguin à un niveau optimal, le système hormonal doit l'équilibrer. Cela peut conduire à un épuisement endocrinien (en particulier des glandes surrénales) et toute une cohorte de graves problèmes de santé dont cancer, diabète, arthrite, anxiété et dépression.

Et les fibres, me dites-vous ? En réalité, vous en trouverez bien plus dans les légumes et les noix brutes.2 Par exemple, deux tranches de pain contenant 138 calories remplacées par leur équivalent en amandes et en noix (environ 24) égaleront ou surpasseront les 3,9 grammes de fibres contenues dans le pain.

Le bio fait-il la différence ?

Maintenant que vous avez le sentiment d'en savoir plus sur la question, vous pouvez aller acheter votre pain dans un magasin diététique en quête de logos « BIO ». Vous voici à l'abri, vous avez évité les choses malsaines. Non ? En réalité, il y a encore du chemin à faire. Le seul plus est l'absence de pesticides et de la plupart des additifs nocifs que l'on trouve dans les pains ordinaires.

Mais l'acide phytique présent dans tous ces pains disponibles sur le marché pose un réel problème car il perturbe l'absorption de minéraux comme le zinc, le calcium et le fer. Cet acide contenu dans les grains ne peut être dégradé que par germination (production de pousses) ou fermentation comme dans les pains au levain.

Le blé germé : nous y voilà enfin ! N'est-ce pas ?

En théorie et de manière générale, oui, c'est un énorme progrès. La plupart des variétés de pains de grains germés sont également bio et vous pouvez maintenant éviter les pesticides, les additifs nocifs, les amidons en plus et l'acide phytique qui aura été considérablement dégradé par la germination.

En outre, les personnes sensibles au gluten ressentiront quand même les répercussions négatives du blé germé.

Et si vous n'êtes ni réactif ni allergique au gluten ? Les personnes atteintes d'inflammation neurologique (comme le trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité et l'autisme), ainsi que celles présentant des troubles de l'appareil digestif, auront encore beaucoup à souffrir. Ceci est dû au fait que ces effets néfastes, dont ceux affectant le système nerveux (de par l'action opioïde du blé), n'ont rien à voir avec le système immunitaire qui est en cause dans tout ce qui a trait aux réactions et aux allergies.

Engrain et épeautre : deux frères ?

Sur les près de 30.000 variétés de blé répertoriées par les botanistes, le nombre couramment utilisé a considérablement diminué avec l'avènement de l'agriculture moderne. Aujourd'hui, il n'en reste qu'une poignée pour représenter à elle seule 90% du blé cultivé dans le monde.

L'engrain est l'ancêtre du blé. Son code génétique est le plus simple de tous et ne comporte que 14 chromosomes. Environ 3300 ans avant J.-C., sa robustesse et sa résistance au froid en firent une céréale fort appréciée en Europe. L'engrain et l'épeautre, qui lui succéda dans son évolution, conservèrent leur popularité pendant plusieurs millénaires en dépit de leur rendement relativement faible et de leurs caractéristiques de cuisson moins intéressantes que celles du blé actuel. Au fil du temps, plus appropriée à la cuisson et offrant un rendement supérieur, l'espèce Triticum aestivum a progressivement éclipsé ses ancêtres.

De nos jours, l'engrain, l'épeautre et les souches originales de Triticum aestivum sauvages et cultivées se sont vus remplacés par leur descendance engendrée par l'homme par milliers sous forme de Triticum durum (les pâtes) et de Triticum compactum (une farine très fine utilisées pour les cakes et autres pâtisseries).

L'hybridation fait subir une mutation structurelle importante au gluten (la protéine du blé). Ainsi, par rapport aux espèces précédentes, les nouvelles comportent une plus grande quantité de gènes de cette protéine liée à la maladie cœliaque qui a doublé au cours des vingt dernières années et devient de plus en plus difficile à diagnostiquer.

Selon certaines études, les taux de zinc, fer, cuivre et magnésium du blé moderne sont inférieurs à ceux des variétés anciennes. Les mêmes tendances ont été observées pour le phosphore, le manganèse, le soufre et le calcium. Même pour du blé cultivé en parallèle à la même période, peu importe l'engrais, le blé complet semi-nain comportait 18 à 29% de minéraux en moins que le blé complet traditionnel. Sa teneur en phytates n'avait pas autant diminué que celle en minéraux. En conclusion, les minéraux du blé semi-nain non seulement se raréfient mais sont, en outre, probablement moins biodisponibles.

Faut-il éliminer complètement le blé ?

Le blé déclenche un cycle de satiété induite par l'insuline et de faim accompagné de hauts et de bas occasionnés par l'euphorie et le manque, des distorsions de la fonction neurologique et des effets d'accoutumance favorisant tous le stockage des graisses.

Dr William Davis, Wheat Belly

« Mais c'est tellement délicieux ! » Une phrase que vous devez souvent prononcer si vous êtes un consommateur avide, voir assidu, de pain de blé. Ces caractéristiques addictives, s'exprimant par des fringales irrépressibles et des « obsessions », sont engendrées par les opioïdes, des substances aux effets narcotiques qui n'ont rien à voir avec le gluten qu'il contient également mais plutôt avec les exorphines, une catégorie particulière de peptides opioïdes produits par la digestion du blé.

Compte tenu de tout cela, la grande question est maintenant :

En parlant de blé germé ou de levain bio ou encore d'engrain, ces aliments sont-ils bons pour moi et mon métabolisme exclusif ?

Trente années de recherche et d'études cliniques sur l'individualisme métabolique nous ont permis de comprendre aujourd'hui que si nos gènes sont comme ceux des Suisses autochtones, les céréales ne sont pas néfastes pour nous et nous pouvons donc en profiter. Mais si nos gènes sont comme ceux des Esquimaux, une alimentation riche en hydrates de carbone, même s'il s'agit d'aliments naturels, complets et organiques, nous mettra à mal et pourrait même déboucher sur un cancer, du diabète ou de l'arthrite. L'inverse est également vrai. Si nos gènes sont comme ceux des Quechuas, grands consommateurs de glucides — dont 80% proviennent essentiellement des pommes de terre, du blé, du maïs, du quinoa et de l'orge — alors supprimer les céréales pour adopter le régime des Esquimaux aura des effets dévastateurs.

À une époque où nous vivons littéralement dans un « creuset génétique » au fond duquel fusionnent différentes cultures, la notion d'individualisme métabolique ou de variation devient plus importante que jamais.

En conclusion, la consommation des blés nain et semi-nain ne devrait pas occuper une part importante de l'alimentation même sous forme complète et saine. Qu'il s'agisse du blé lui-même, de la manière dont il est extrait, des autres aliments que nous lui associons ou de notre sensibilité, les choses ont évolué avec le temps. Aujourd'hui, de nombreuses personnes sont très réactives au blé moderne et/ou au gluten, aux pesticides qu'il contient s'ils ne sont pas biologiques et aux méthodes de préparation inadéquates des produits à base de blé qui ne réduisent pas la teneur en acide phytique. Mais au bout du compte, il s'agit de s'en remettre aux besoins alimentaires de chacun pour décider combien le blé affecte notre métabolisme et de l'importance de l'éliminer de notre alimentation.

Comment consommer des céréales de manière saine et sans danger

En tenant compte de notre réalité clinique contemporaine, voici un ensemble de règles de base que je vous recommande de suivre afin de minimiser les effets négatifs de la consommation de céréales :

1. Informez-vous et essayez les céréales anciennes comme l'engrain, le quinoa, l'amarante, l'épeautre, le kamut, le teff, le sarrasin ou le millet. Elles n'ont pas subi « l'insulte » infligée au blé pour ce qui est du traitement et de la manipulation. Choisissez des variétés germées et bio.

2. Si vous croyez présenter des réactions négatives au gluten et que vous ne pouvez pas faire de test pour vous en assurer, mieux vaut l'éviter complètement. Le plus souvent, vous ferez du bien à votre corps.

3. Si vous tenez néanmoins à consommer du blé, l'idéal serait d'acheter de l'engrain et/ou des grains de blé entiers bio, les faire germer et les moudre lorsqu'ils sont encore frais pour en faire de la farine, des pains artisanaux et autres produits panifiables.

4. Si vous ne faites pas votre pain vous-même, il existe des solutions alternatives prêtes à l'emploi. Recherchez des pains au levain ou au blé germé biologiques fraîchement sortis du four ou au rayon surgelés de votre supermarché ou boutique diététique.

5. La germination, le trempage et le levage avec du levain authentique « pré-digèrent » les céréales en permettant aux nutriments d'être assimilés et métabolisés plus facilement. Il s'agit d'une approche ancestrale pratiquée dans la plupart des cultures traditionnelles. Les pousses se mettent à germer ce qui accroît l'activité enzymatique des aliments, inactive des substances appelées inhibiteurs enzymatiques et neutralise l'acide phytique, un composant des fibres végétales que l'on trouve dans le son et les coques des céréales, légumes, noix et graines et qui réduit l'absorption des minéraux.

Souvenez-vous, il n'existe pas de « mauvais » ni de « bons » aliments à moins que cela ne concerne votre métabolisme exclusif et vos besoins nutritionnels génétiques individuels. Mais pour ce qui est des produits alimentaires transformés, dont les pains de blé modifié que l'on trouve dans le commerce, il n'en existe aucun de « bon », peu importe les efforts que vous ferez pour en trouver.

Notes et références

  1. ^ Chlorure de chlorméquat.
  2. ^ Les noix brutes comprennent en fait tous les fruits à coquille non décortiqués comme noix, amandes, noisettes, pistaches, etc.
  3. Sources :
    blog.cholesterol-and-health.com/2011/10/wheat-belly-toll-of-hubris-on-human.html
    www.greenmedinfo.com/page/dark-side-wheat-new-perspectives-celiac-disease-wheat-intolerance-sayer-ji

Texte original de RALUCA SHACHTER traduit de l'anglais par EY@EL
© La Pensine Mutine. Tous droits réservés. Reproduction interdite.

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